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L’apéro saucisson-pinard du 18 juin 2010 et sa signification (2011)
Article mis en ligne le 6 octobre 2023
dernière modification le 8 octobre 2023

Pourquoi s’intéresser à l’évolution des positions de la droite et de l’extrême droite françaises face à la laïcité et la religion ?
En ce qui me concerne, j’ai pu constater qu’il était urgent de clarifier ces questions en participant à une réunion « unitaire » de la gauche et de l’extrême gauche du XVIIIe arrondissement de Paris organisée contre la tenue d’un « apéro saucisson-pinard » le 18 juin 2010 à la Goutte d’or, apéro qui fut finalement interdit à cet endroit et qui eut lieu sur les Champs-Élysées, sous protection policière.

La coalition des organisateurs de cet événement « festif » allait du Bloc identitaire fascisant à des groupuscules gaullistes en passant par les partisans de Philippe de Villiers (le Mouvement pour la France) et de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) (qui se sont ensuite rétractés) ou les militants républicains de gauche de Riposte laïque.
Je surveille les élucubrations des futurs militants de Riposte laïque depuis 2007, depuis qu’ils ont commencé à sévir à l’intérieur de l’UFAL (13) et avant qu’ils ne la quittent. Mon premier article polémique (14) contre cette mouvance portait sur la contribution d’une certaine Mireille Popelin, membre du PCF. Le texte que je dénonçais avait été publié sur le site de Respublica sans susciter la moindre réaction publique de l’UFAL ou des militants républicains de gauche. Cet article ressassait pourtant tous les lieux communs xénophobes (et implicitement racistes) que propagent le Front national et l’UMP sur les prétendus « jeunes de banlieue » et autres « sauvageons ». L’UFAL prit tout son temps pour condamner la dérive de Riposte laïque et, en septembre 2009, quatre présidents locaux de l’UFAL signaient encore une pétition de Riposte laïque (« Halte à la burqa et au voile »), c’est dire que les liens sont loin d’être rompus, et surtout que cette condamnation morale n’est guère efficace...

Pour revenir donc à cette réunion unitaire contre l’apéro saucisson-pinard en juin 2010, j’avais été frappé par le fait que les participants (un curé, un pasteur, un député PS, des militants du PS, du PCF, du NPA, d’Alternative libertaire et de la FASE [15]) analysaient les apéros saucisson-pinard comme une action uniquement menée par des fachos purs et durs (16), dans le style des années 1930... Ils ignoraient totalement la diversité des soutiens de cette opération antimusulmane et anti-immigrés.

Je rappelle qu’il s’agissait, pour les organisateurs de cet événement xénophobe à Paris (17) de bouffer du saucisson et de boire du vin devant une mosquée, rue Myrrha, dont les adeptes sont obligés de prier dans la rue, faute de place à l’intérieur du bâtiment, et bloquent donc une rue pendant une heure, pour la prière correspondant au coucher du soleil, en fin d’après-midi. Les participants à cette réunion unitaire du XVIIIe arrondissement réduisaient les motivations de ces « 22 salopards » (voir notre article sur ces groupes et individus) à une opération « fasciste et raciste » sans se demander le moins du monde si la gauche ne portait pas une lourde part de responsabilité dans cette xénophobie rampante.
Suite à cette réunion, je me suis mis à enquêter sur cette coalition réactionnaire, et me suis demandé quelle était la relation entre la droite et l’extrême droite, d’un côté, le christianisme de l’autre. En clair, l’hostilité de la droite et de l’extrême droite françaises vis-à-vis non seulement des islamistes, mais aussi des musulmans, voire de façon encore plus générale vis-à-vis des travailleurs immigrés originaires de pays dits musulmans était-elle fondée sur les convictions chrétiennes des militants de droite et d’extrême droite, ou le problème était-il plus complexe ?

Il me semble que l’hostilité de la droite et de l’extrême droite face à l’islam, au sens le plus général, ne peut s’expliquer seulement, voire même principalement, par leurs rapports privilégiés avec la religion ou les Églises chrétiennes.

C’est vrai uniquement pour les nationaux-catholiques de Chrétienté Solidarité (dirigés par Bernard Antony, alias Romain Marie) ou les lefebvristes (Lehideux) dont les partisans sont progressivement sortis ou ont été exclus du FN après 2003 et se retrouvent maintenant au sein du Parti de la France qui défend les « valeurs communes, helléniques, latines, humanistes et chrétiennes qui fondent la civilisation européenne ». Mais ce n’est pas vrai pour les autres courants de l’extrême droite : solidaristes, néopaïens, « Nouvelle Droite », etc. Ces courants antichrétiens et souvent (mais pas toujours [18]) antisémites n’ont pas de liens particuliers avec les Églises chrétiennes.

Cela permet peut-être d’expliquer pourquoi en France et aux Pays-Bas, et sans doute dans d’autres pays mais à une échelle beaucoup moins significative, on constate une convergence de plus en plus claire entre des militants de gauche et d’extrême droite, comme en témoignent l’organisation des apéros saucisson-pinard en France, ou des Assises contre l’islamisation à Paris le 18 décembre 2010.

Yves Coleman, article paru dans « Les pièges mortels de l’identité nationale », numéro 33/34/35 de la revue Ni patrie ni frontières, en juin 2011

Notes

1. UFAL : Créée en 1988, l’Union des familles laïques prétend regrouper 4 000 familles adhérentes. « L’UFAL est anticléricale (elle s’oppose au fait qu’un groupe puisse imposer son dogme au reste de la société), mais elle n’est pas antireligieuse : elle protège toutes les libertés religieuses, toutes les croyances, à condition qu’elles restent dans la sphère privée. » C’est vraiment en avril 2009, dans un texte intitulé « Du relativisme culturel à l’assignation identitaire et au racisme » qu’elle se démarqua clairement de Riposte laïque en ces termes : « Le choc des civilisations a malheureusement pénétré certains secteurs antiracistes. Il n’imprègne plus seulement l’extrême droite et la droite la plus atlantiste mais aussi malheureusement certaines franges se réclamant de la démocratie et du progressisme, parmi elles des courants tiers-mondistes de gauche ou d’extrême gauche, mais aussi des courants se réclamant de la laïcité. Commençons par les secteurs laïques, car lorsque l’on défend un principe aussi fondamental que la laïcité, encore faut-il le faire sans ambiguïté.
On voit ainsi des tendances se réclamant de la laïcité, dériver dans un racisme antimusulmans virulent. J’entends par racisme antimusulman l’incitation à la discrimination à l’encontre de ces croyants ou ces campagnes qui visent à les priver de lieux de culte ou droit à la pratique de leur foi.
C’est là une laïcité borgne, axée principalement contre les pratiquants de la deuxième religion de France, qui parfois confine au racisme à l’égard des populations arabes ou d’origine arabe soupçonnées d’être la cinquième colonne de l’islamisme politique.
Quand Riposte laïque publie sur son site Internet un article dont le titre est : “Construction de mosquées : pourquoi il faut dire non (argumentaire pour les maires)”, elle relaye ainsi les pires campagnes d’extrême droite et appelle à la discrimination au mépris du droit républicain au libre exercice de la croyance.
Quand elle dénonce le « métissage » dans un article qui se termine ainsi “Serais- je la seule à refuser de coucher avec les amants allochtones que veulent m’imposer Yannick Noah et Yazid Sabeg ? Certainement pas, et je prends le pari que mon avis est partagé par une très large majorité de mes concitoyens qui sont restés d’irréductibles Gaulois de cœur et d’esprit.’’
Ce fantasme d’une France menacée par les hordes allochtones qui viennent, pour métisser la race gauloise, relève du choc des civilisations de l’ethnocentrisme et du racisme, c’est tout sauf de la laïcité. (...) Et de l’assignation identitaire on passe très vite au racisme ! L’assignation identitaire vue par l’islam politique est très proche de celle vue par Riposte laïque. L’identité des uns ce sont les racines musulmanes, l’identité des autres ce sont les racines “gauloises’’. »

2. Dans un billet d’humeur publié en mars 2007 sur le site mondialisme.org, j’écrivais : « Respublica est le site de la “Gauche laïque, républicaine et sociale’’ qui a publié le 2 mars 2007 un article de Mireille Popelin, collaboratrice régulière de ce site et membre de l’UFAL (l’Union des familles laïques). Dans la rubrique “Débats républicains” elle intitule son billet crapuleux “Des violences urbaines sur piste de ski”. On remarquera le sensationnalisme du titre. “Huit adolescents (15 à 17 ans) de Seine-Saint-Denis qui bénéficiaient d’un séjour ski (les veinards !) géré par Vacances Voyages Loisirs ont remercié à leur façon les généreux donateurs qui leur ont payé ces vacances à la montagne. ”
Dès le début de l’article, l’auteur souligne l’opposition entre les “généreux donateurs” et des ados forcément ingrats et (comme la suite le montrera) barbares. “Sur la piste d’abord : un pauvre vacancier néerlandais accusé d’avoir fait tomber le snowboard de l’un d’eux, le ton monte, un skieur de 20 ans s’interpose. Il est roué de coups, poings, bâton, chaussures de ski. Interceptés par les gendarmes. Retour au centre. Le directeur leur annonce qu’ils vont être renvoyés chez eux. Que croyez-vous qu’ils firent, ces adolescents ? (Sûrement victimes de discrimination en Seine-Saint-Denis.) “
Mireille Popelin ne se pose aucune question sur la version des témoins et des gendarmes. Les braves skieurs et les gentils flics disent toujours la vérité, c’est bien connu. Plus grave, elle introduit hypocritement une allusion à la couleur de la peau ou à l’origine étrangère des agresseurs ou de leurs parents. Pour couronner le tout, elle se permet de disqualifier l’idée même qu’il puisse y avoir des discriminations racistes en Seine-Saint-Denis. (...) Mais Mireille Popelin, en insinuant qu’il existe un lien de cause à effet entre l’origine ethnique ou nationale des agresseurs et leur acte condamnable franchit la ligne jaune qui sépare la dénonciation d’un acte de violence d’une interprétation raciste de cet acte.
“Ils s’en prennent aux locaux, ils cassent tout, les vitres, le mobilier, un cuisinier est blessé par un verre. Les gendarmes arrivent à huit : caillassés, insultés, jets de bouteilles, comme dans leur quartier, en Seine-Saint-Denis !” Et rebelote, sur la Seine-Saint-Denis, le 9-3 : puisque ces jeunes proviennent de ce département, tout s’explique, pas besoin de réfléchir plus loin. Dans leur quartier, ils utilisent la violence, à la montagne ils continuent. Ben voyons... (..)
“Les adolescents ont fini par être maîtrisés par 38 gendarmes arrivés en renfort. Et ce sera 48 heures de garde à vue. Peut-être à leur arrivée, dans leur quartier de Pierrefitte-sur-Seine, y aura-t-il une marche de soutien à ces pauvres adolescents victimes de brutalités policières ?”
Notre “laïque” antiraciste récidive : non seulement il n’existe pas de discriminations en France, mais pas non plus de brutalités policières !
“Vous souvenez-vous du nombre des adolescents ? Ils étaient huit. Ils ont provoqué ces violences dans la station de ski de Châtel contre 2 skieurs, 1 directeur de Centre de vacances et 38 gendarmes. Croyez-vous que ces adolescents (comme en Seine- Saint-Denis) craignent le karcher de Sarkozy ? Non seulement ils jouent les caïds dans leur quartier et imposent leur loi, mais ils jouent les caïds aussi ailleurs, quand les communes compatissantes leur offrent des vacances que bien des travailleurs précaires NE PEUVENT PAS SE PAYER ! Ils n’ont pas peur de Sarko, auraient-ils peur de Ségo ? Il faudra bien faire autrement pour régler les problèmes des banlieues !”
Cette militante “de gauche” oppose d’un côté les “caïds” de Seine-Saint-Denis (car bien sûr le 9-3 n’est peuplé que de “caïds”) et de l’autre les enfants des “travailleurs précaires”, Pas besoin d’être très malin pour reconnaître ici l’opposition classique entre les jeunes “Maghrébins” ou les “enfants d’immigrés” (tous chefs de gang évidemment), d’un côté, et les enfants des “travailleurs précaires “franco- français de l’autre (tous victimes du “racisme anti-Blancs”). Et Mme Popelin de conclure : “Il y a des statistiques dont on ne parle pas (est-ce un hasard ?). Les derniers chiffres publiés par /’Observatoire national de la délinquance : + 9,9% en Seine-Saint-Denis, + 9,7% dans le Rhône.” Que cette dame se rassure. Le Pen et de Villiers en parlent tous les jours de ces fameuses statistiques qui seraient occultées, selon elle ! »

3. FASE : La Fédération pour une alternative sociale et écologique rassemble plusieurs petits groupes. Selon ses propres termes, en « regroupant la pluralité des cultures et parcours politiques anticapitalistes, la Fédération veut être un outil dans la lutte pour la transformation émancipatrice et écologiste, et à cette fin un instrument pour le rassemblement de toute la gauche de gauche dans sa diversité ». En clair, ils risquent fort d’être des rabatteurs pour un futur gouvernement de la gauche pourrielle.

4. À leur décharge, je dirais que Riposte laïque se donne de plus en plus des bâtons pour se faire battre puisque leur éditorialiste Cyrano (alias Pierre Cassen) salue, le 22 novembre 2010, « l’efficacité organisationnelle et le savoir-faire du Bloc Identitaire ». Effectivement, ce monsieur a raison : les fascistes ont toujours été efficaces en matière de bourrage et d’explosion des crânes...

5. L’extrême droite a voulu aussi en organiser dans d’autres villes ; à notre connaissance, ils ont été interdits à Lille, Lyon et Avignon mais ont pu se tenir le 12 juillet 2010 à Nantes avec les « jeunes Gollnishiens » (sic) du FN, et le 16 juillet 2010 à l’appel du « Comité Toulon nation » du FN.
6. Il faut en effet se méfier des motivations pro-israéliennes de certains groupes d’extrême droite. Nombre d’« antisionistes » se plaisent à souligner le prétendu « sionisme » de certains groupes fascistes ou fascisants. Mais ils ne se donnent pas la peine de creuser les raisons de ce philosionisme apparent et superficiel : cette position découle de leurs théories ethnoracialistes et non de leur compassion supposée pour les Juifs ou de leur hostilité à l’antisémitisme d’hier ou d’aujourd’hui ! En effet, les néofascistes actuels pensent que chaque pseudo « race » doit être cantonnée dans son aire géographique « naturelle » afin de ne pas contaminer les autres.... Comme l’écrivit le nazi français Saint-Loup (alias Marc Augier), qui combattit sur le Front de l’Est dans la Waffen SS : : « chacun chez soi et les vaches seront bien gardées... mais gardées par la SS, bien entendu, car la masse reste incapable de s’autogérer » ! (Défense de l’Occident n° 136, mars 1976, « Une Europe des patries charnelles ».) La référence à « l’autogestion » dans la bouche d’un nazi illustre bien les tentatives de brouillage des frontières politiques...

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Cette série d’articles contient les textes suivants :

• Sur les convergences politiques entre la gauche laïco-xénophobe et l’extrême droite
• Des Ligues à la « Nouvelle Droite »
• L’apéro saucisson-pinard du 18 juin 2010 et sa signification
• La gauche laïque réactionnaire : une vieille tradition française dont Riposte laïque n’est que l’ultime avatar
• Les religions évoluent, ce qui ne les rend pas moins néfastes
• La droite et l’extrême droite évoluent - ce qui ne les rend pas moins dangereuses
• Riposte laïque : un groupe charnière entre la gauche et l’extrême droite
• Encore et à nouveau sur la gauche laïco-xénophobe
• Riposte laïque = Riposte xénophobe
• Abécédaire de la xénophobie de gauche
• Les 22 salopards de « l’apéro saucisson pinard »,