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BATTRE LA « RÉFORME » DES RETRAITES, C’EST RELANCER EN GRAND ET PARTOUT LA LUTTE POUR AUGMENTER LES SALAIRES
Article mis en ligne le 20 janvier 2023

L’État attaque à nouveau le salaire différé

L’État français a présenté sa énième « réforme » du système des retraites : départ à 63 ans, en 2027 et à 64 ans en 2030 ; augmentation à 43 annuités de cotisation pour la retraite à taux plein et suppression des régimes spéciaux (sauf ceux de la Police et de l’Armée et quelques régimes marginaux). L’exécutif pense faire passer la pilule en promettant une retraite de 1 200 € brut minimum (soit 85 % du SMIC) pour ceux qui auront l’âge légal et les trimestres complets, la prise en compte de la pénibilité (mais tous les boulots sont pénibles !) et un « meilleur » mécanisme de revalorisation des retraites indexées sur le SMIC (dont il décide seul de l’évolution). Quant à la caisse des cadres (AGIRC ARRCO), elle ne fusionne pas avec l’Unédic. Comme pour toutes les « réformes » précédentes (depuis 1993, celle de Balladur), c’est « Travailler plus longtemps pour une retraite moins élevée »

Pourquoi cette nouvelle attaque ?

Faire travailler davantage les « vieux » ? Si l’employabilité des « séniors » augmente régulièrement depuis 20 ans, à partir de 60 ans, elle s’écroule. Et ce parce qu’à partir de 50 ans un travailleur de chaîne est brisé et inemployable, parce que les salariés de plus de 60 ans sont « trop chers » (ils appartiennent aux dernières classes d’âge ayant vu leurs salaires augmenter avec l’ancienneté) et moins productifs que des jeunes. Les patrons n’en veulent plus et aucune mesure gouvernementale ne les fera changer d’avis.

Assurer l’équilibre des caisses de retraites ? Comme en 2019, le Conseil d’orientation des retraites (COR, organisme gouvernemental où siègent patrons et syndicats dans un bel esprit de collaboration de classe) prévoit, dans son rapport de septembre 2022, que la majorité des caisses sera excédentaire pour encore plusieurs années (dépenses stables et rentrées en légère baisse). La « réforme » n’est donc pas liée au déficit des caisses de retraite.

La raison de cette nouvelle attaque est à rechercher dans la nécessité identifiée par l’exécutif de donner des signaux d’austérité budgétaire aux investisseurs dans la dette publique française. L’État ne veut plus financer les caisses de retraite au moment où la dette publique n’est plus rachetée en masse par la Banque centrale européenne (BCE) comme pendant la pandémie, où l’inflation galope faisant monter les taux et les dépenses militaires flambent sur fond de tensions géopolitiques. La part du financement de la CNAV assurée par les cotisations sociales (employeurs et salariés) a fondu de 83 % en 2003 à 64,5 % aujourd’hui de telle sorte que la part du financement de la CNAV par les impôts est désormais de 11,4 %, 12,4 % du Fonds de solidarité vieillesse. Sans compter que l’État ponctionne à hauteur de 8,5 % du financement de la CNAV, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et l’Unédic (assurance-chômage).

Cette « réforme » vise à renforcer la capacité d’emprunter de l’État en donnant aux investisseurs des gages de bonne gestion des finances publiques. En théorie, l’État aurait pu augmenter les cotisations patronales au moment où les boîtes gagnent beaucoup d’argent. Mais l’État est précisément l’organe de gestion des affaires du capital, donc l’exécutif se refuse à augmenter les cotisations patronales. Donc ce sont les salariés qui payent ! Et seulement eux. Logique pour le capital mais pas pour nous. Une fois encore, nos intérêts sont opposés à ceux des patrons et de leur État.

La retraite, c’est du salaire

La retraite n’est que du salaire différé. La retraite n’est autre que du salaire dont le versement est repoussé à la sortie légale du marché du travail. Et le salaire est la somme d’argent indispensable à la reproduction de la force de travail de chacun. Ce montant est renégocié sans cesse en fonction, notamment, des rapports de force entre les travailleurs et les patrons épaulés par leur État. Le contrat est la formalisation de ces rapports de force. Parmi les éléments contractuels, il y a celui, essentiel pour préserver la continuité du rapport d’exploitation, de la garantie d’un revenu pour ses vieux jours. C’est pourquoi ce thème est, depuis longtemps, l’un des grands facteurs de la lutte des classes. C’est pourquoi la question de la retraite doit être comprise comme une question de salaire et traitée comme telle.

Quoi que les syndicats et la gauche d’État en disent, les travailleurs dans leur très grande majorité veulent se tirer du turbin le plus vite possible et aux meilleures conditions car le travail salarié est une contrainte qui leur est imposée dans une société dominée par le capital. Chacun sait que les années de travail signifient souffrance, soumission aux chefs et exploitation. Et que le chômage est la condamnation infligée par le système à ceux d’entre nous qui ne marchent pas droit ou qui ne sont pas assez « productifs ». Chômage et travail sont le quotidien des opprimés. Mais la pandémie, quand l’ordre social a été mis à mal pendant un temps, a montré à beaucoup d’entre nous que l’exploitation nuit.

Les réfractaires au retour au boulot se multiplient partout dans les pays avancés du capital comme le prouvent partout les démissions en masse dans les hôpitaux. Malheureusement, ce refus du salariat s’exprime encore par des stratégies individuelles de fuite du travail qui sont vouées à l’échec pour le plus grand nombre. C’est pourquoi l’exécutif a voulu « réformer » l’assurance-chômage aussi avec l’objectif clairement affiché de durcir davantage les conditions d’accès aux indemnités tout en rétrécissant la période d’indemnisation dans un silence presque total des syndicats d’Etat.

Que faire ?

Renverser la logique du paritarisme

Si la retraite, c’est du salaire, c’est au patron de la payer intégralement. La retraite doit aussi correspondre au meilleur salaire gagné sur l’ensemble de la période travaillée. Et si la retraite, c’est du salaire, il faut que la rémunération de référence pour son calcul intègre les primes (aujourd’hui elles représentent 10 à 15 % du salaire moyen total). Les patrons doivent aussi financer la complémentaire de santé des retraités dont le coût ne cesse de s’envoler. Enfin, la revalorisation des retraites doit correspondre à celle des salaires.

Ne pas croire que cette affaire sera réglée au Parlement

Les partis de la gauche du capital et le RN disent vouloir barrer la route à la « réforme » par le dépôt de milliers d’amendements faisant semblant d’oublier que l’exécutif a les instruments légaux pour surmonter leur opposition d’opérette.

Ne pas déléguer la lutte aux syndicats d’Etat

Grâce au système dit du paritarisme, les syndicats, tous les syndicats (y compris ceux des patrons), gèrent en direct les caisses de retraite. Leur intérêt premier, qu’ils se disent « réformistes » ou « contestataires » peu importe, est de préserver ce système. En dépit de leur opposition proclamée, ils siègent au sommet des Caisses aux côtés des représentants de l’exécutif et ne comptent surtout pas renoncer à leurs prérogatives. Ils n’iront donc pas jusqu’au bout du combat et leur unité large proclamée éclatera si les travailleurs prennent leur lutte en main.

Se souvenir des faiblesses des mouvements passés

Depuis 30 ans, tous les exécutifs, de droite ou de gauche, ont attaqué les retraites. Contrôlés par les syndicats d’Etat, les mouvements qui s’y sont opposés ont échoué. Tous sauf celui contre la suppression des régimes spécifiques des salariés de la SNCF et de la RATP, en novembre-décembre 1995, décidée par le gouvernement Juppé. Ce mouvement massif à la SNCF et à la RATP n’a pourtant pas fait tache d’huile dans le secteur privé se limitant à engager dans le combat des minorités de travailleurs de la Poste et d’EDF-GDF. L’idée néfaste qu’on avait gagné en vertu de la grève par procuration et de manifs monstres a fait son chemin. Si bien qu’en 2019, CGT et SUD ont cru pouvoir rejouer la même partition avec les grèves des travailleurs des raffineries et de l’énergie qui se sont malheureusement soldées par un échec. Et aujourd’hui encore la CGT remet le couvert...

La seule lutte qui paie est sur les lieux de production

La lutte contre la seule « réforme » des retraites risque fort de ne pas marcher. Surtout si elle se limite à une succession de grandes manifestations « citoyennes », le weekend, et de pétitions qui ne changent pas un iota dans le rapport de force réel entre travailleurs et classes dominantes. Les travailleurs dont l’âge est le plus éloigné de la retraite sont préoccupés en priorité par les salaires qui ne suffisent plus, les taux immobiliers qui grimpent, les chefs qui font chier, les rythmes qui s’accélèrent, les problèmes de transport qui s’aggravent et la menace du chômage de plus en plus mal indemnisé pour ne citer que les problèmes les plus pressants. Ils pourraient donc penser que la « réforme » des retraites concerne en premier les plus âgés d’entre eux. L’appel à la solidarité générationnelle dont se gargarisent les syndicats d’Etat ne suffit pas à changer cette donne. En revanche, si l’attaque sur les retraites servait de déclencheur de combats sur tous les fronts, du salaire, aux rythmes, au commandement d’entreprise, aux indemnités de chômage, aux transports, au logement voilà que les conditions pour battre l’exécutif et les patrons pourraient être réunies. Si tant est qu’il soit possible, ce combat doit être porté surtout là où tout se décide, sur les lieux de travail, dans les agences de Pôle emploi, dans les agences d’intérim et dans les quartiers populaires.

La retraite, c’est du salaire. Il faut ainsi lutter pour le salaire maintenant et partout, suivant les quelques exemples de boîtes en grève depuis la rentrée, à l’image des grévistes de la TIGE1.

POUR LA REPRISE DE L’INITIATIVE OUVRIÈRE

Paris, le 17 janvier 2023

1 Entreprise de transports en commun de l’agglomération d’Évry-Courcouronnes, dont les salariés sont en grève, depuis le 3 janvier, pour des augmentations de salaire.