James A. Geschwender était professeur de sociologie à l’université Wayne State de Détroit de 1964 à 1968. Il a été en contact avec plusieurs membres fondateurs de la Ligue des ouvriers noirs révolutionnaires, dont certains ont suivi ses cours. Son livre raconte la brève histoire de ce mouvement, de sa naissance en 1969 à sa disparition en 1973, sur la base de documents et d’entretiens prolongés avec plusieurs membres de la Ligue, avec lesquels Geschwender est resté en contact. Ce n’était pas pour lui simplement un sujet d’étude académique : il connaissait ces militants ; il sympathisait avec leur lutte ; il discutait avec eux des possibilités d’un mouvement révolutionnaire noir fondé sur les ouvriers d’industrie. Comme il le dit dès la première page, il n’aurait cependant pas pu faire partie de la Ligue, parce qu’il était blanc ; mais en même temps il ne s’est jamais senti dans la position de l’intellectuel blanc donnant des conseils aux ouvriers noirs pour l’organisation d’un mouvement révolutionnaire noir, ne serait-ce que parce que les fondateurs de la Ligue avaient les idées claires sur ce qu’ils voulaient faire.
Son livre comporte des chapitres purement historiques, dans lesquels il décrit le contexte dans lequel la Ligue s’est formée, et des chapitres plutôt théoriques, où il s’interroge sur les modèles de stratification sociale et raciale qui permettent de rendre compte de la réalité sociale des ouvriers noirs dans l’industrie américaine. Son intérêt pour cette question le pousse à accorder beaucoup de place à la description de l’idéologie de la Ligue, et aux contradictions ou aux tensions internes qu’il y perçoit. Selon lui, ces contradictions internes ont affaibli la stratégie de la Ligue et sont l’une des principales causes de sa disparition, sans minimiser la forte hostilité des patrons de l’industrie automobile, de la direction des syndicats, et de la police de Détroit.