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Le Journal des possibles : « Parler de paix aujourd’hui n’a de sens que si on interroge le rapport à la guerre et à la paix là où on est, là où on vit. »
Article mis en ligne le 6 mars 2022

Qu’en est-il, là où nous sommes, des questions de la guerre et de la paix ?

S’interroger ainsi à partir de « ici et maintenant » est un moyen pour réfléchir et agir à propos des questions de la guerre et de la paix : ce n’est pas en partant de la situation internationale (qui est entre les mains des puissances étatiques) qu’on peut réfléchir sur nos possibilités propres pour chercher et faire une politique de paix du point des gens .
Si on raisonne à partir de la situation internationale, par exemple « la guerre en Ukraine », on ne peut l’aborder que du point des Etats, des alliances étatiques, et des camps qui se font et se défont au gré des intérêts différents. On est alors soumis à un seul possible : il nous faut aborder, penser, et agir donc, en se demandant : dans quel camp se mettre, plus précisément dans quel camp l’Etat doit il se mettre ? Quel parapluie espérer ? (l’OTAN, la Chine, la Russie, l’Europe ?).
On est alors ficelés et en dernier ressort, qu’on le veuille ou non, il faudra subir les choix étatiques, c’est à dire la guerre contre des gens (quels qu’ils soient), et entre les gens.

Le texte qui suit ne s’inscrit donc pas, et cela volontairement, dans la lignée d’articles très bien faits, détaillés et historique sur l’Ukraine, l’Otan, la Russie et que l’on peut trouver en ligne.

Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous avons bien à faire à un repartage du monde. Repartage qui se continue car il a déjà commencé avec de nombreuses guerres au Moyen-Orient (Irak, Syrie…), en Asie (Afghanistan), en Afrique (Libye, Mali, Tchad…) et cela depuis plusieurs années, ( depuis la fin de l’URSS), sans susciter de grandes mobilisations de protestation dans le monde. Ces guerres ont été et sont toujours dévastatrices : destructions de pays, d’Etats, instabilité constante pour les populations… Ce partage entre les puissances, grandes ou intermédiaires comme la France, se fait avec en toile de fond, la grande rivalité USA/Chine qui s’amplifie.
La nouveauté est qu’aujourd’hui le territoire européen est touché directement par cette rivalité entre puissances. Un peuple européen est sous les bombardements, ce qui provoque des morts et des déplacements massifs de population. Une telle situation ne s’était pas produite à cette échelle, depuis la seconde guerre mondiale (à cette occasion, il faudrait là aussi repenser ce que signifiait le partage de l’ex-Yougoslavie entre plusieurs « zones d’influences » : France, Allemagne…). La guerre, qui lorsqu’elle se déroule hors du continent Européen est massivement acceptée, (acceptation qui va de l’indifférence à l’approbation) nous devient insupportable et inquiétante dès lors qu’elle s’invite en Europe.

Dans ce contexte dire « la paix ! la paix ! », ou « soutien au peuple Ukrainien » n’est que faire un vœu pieu qui ne nous permet absolument pas d’être en capacité de quoi que ce soit. On ne peut que se retrouver ficelés et impuissants devant des décisions étatiques qui sont et seront de plus en plus guerrières. Alors, peut-on alors aborder la question de la guerre et de la paix du point des gens, et qu’est-ce que cela peut signifier ?

C’est le pari que nous faisons, et cela nécessite de penser ces questions ici, à la fois du point de l’extérieur et de l’intérieur :

Du point de l’intérieur, car la paix se construit d’abord entre les gens d’un même pays, sur des principes et des affirmations positives qui prennent en compte tout le monde, de même que la guerre se construit et devient acceptable à partir du moment où certains trouvent normal de s’en prendre à une partie de la population, ciblée pour sa situation sociale, religieuse ou autre… et qu’il faudrait persécuter et mettre à l’écart. De ce point, la campagne électorale en France est significative : c’est à qui qui sera le/la plus hargneux, le/la plus persécutoire etc… Parler de paix en acceptant un tel climat, une telle réalité politique, est à minima hypocrite.

Se prononcer sur l’extérieur aussi : les interventions françaises en Libye et en Afrique de manière générale sont à interroger. Les ventes d’armes massives aux pires dictateurs le sont aussi vu ce qu’elles provoquent : massacres au Yemen par exemple. Peut-on séparer la guerre en Ukraine et les guerres ou pressions militaires qui se font en notre nom dans le monde, avec les morts et les innombrables réfugiés que cela entraîne ? Tout cela ne participe-t-il pas de ces rivalités de puissances qui mènent, si on ne se lève pas, à des conflits généralisés ?

Quand on est au cœur des questions de la guerre et de la paix, il faut bien voir qu’on a à faire à des possibles qui se construisent, donc qui se pensent, qui se décident. Du côté de l’Etat (quel que soit le/la futur président), il n’y a rien à attendre de bon. Du côté des gens, travailler le lien entre intérieur et extérieur, montrer que l’un dépend et a des conséquences sur l’autre, peut nous permettre de tenir certains principes et valeurs dans de telles situations troubles.

La paix possible ?

Quelques points de repère :

On peut se prononcer sur le fait qu’on ne veut pas être inféodés à un champ de puissances et que cela ne nous empêche pas de nous tenir au côté des peuples qui refusent l’invasion et la barbarie ;
Les interventions de l’armée française dans le monde doivent être débattues entre les gens ici du point de ce que cela fait subir aux peuples des pays concernés ;
Il en est de même pour les ventes d’armes.
Avec la guerre en Ukraine, les gens qui fuient les bombardements deviennent des êtres humains à secourir, des réfugiés qui ont toute notre compassion, contrairement à ceux venus du Moyen Orient, d’Afrique, d’Afghanistan… qui eux restent des « migrants indésirables et dangereux » alors que bien souvent ce sont les interventions US et française qui les ont poussés à l’exil. On peut affirmer qu’un réfugié = un réfugié et qu’il faut leur assurer, à tous, un accueil digne et respectueux. Le rapport que l’on développe vis à vis des réfugiés des diverses guerres et qu’on laisse se développer est un indicateur de notre degré d’acceptation de la guerre entre puissances, ou de notre capacité a penser et à imposer la paix. Laisser le déplorable rapport actuel aux réfugiés perdurer et se développer dans notre pays, c’est accepter de devenir acteurs de ces processus de guerres.
Ne pas céder à la tentation, à la faiblesse simplificatrice qui feraient accepter la propagande sur le gentil OTAN/Occident et le méchant Poutine ou la Chine ou autre…, et inversement.
Rejeter et dénoncer la campagne électorale actuelle et celle qui va suivre pour les législatives, centrée sur les tensions et les persécutions contre des habitants du pays, ce qui est déjà une acceptation de la guerre pensée comme nécessaire, quand ce n’est pas carrément une invitation à la pratiquer. Pour cela, il faut veiller à mettre en avant et pratiquer dans chaque situation des principes pour TOUS, qui peuvent réunir et faire travailler ensemble des gens différents sur des éléments de bataille précis, pour les droits, la dignité.
Ce sont là quelques points soumis au débat, à la réflexion de qui le veut, afin de participer d’une paix possible. Un espace de pensées et d’actions propres aux gens, sur les questions de la paix et de la guerre peut exister. Y travailler nous permet de dire : Il n’y a pas de fatalité à l’embrasement qui peut advenir, il n’y a pas de fatalité à ce que des gens, des peuples, se jettent les uns contre les autres pour le plus grand intérêt de puissances qui cherchent à maintenir leur domination sur eux et à se partager le monde.

Jean-Louis
04 mars 2022