Déracinement : à l’heure où l’extrême droite et l’extrême gauche, ainsi que les altermondialistes et les mouvements indigénistes défendent les « terroirs », la « Terre Mère », les « cultures autochtones », ce concept navigue dans tous les camps politiques, sans être précisément défini. Car dans déracinement, il y a « racines ». On sait que l’invocation des « racines » a toujours servi aux gouvernements et aux partis d’extrême droite pour s’en prendre aux minorités nationales, religieuses ou « ethniques », voire même aux réfugiés politiques de la même couleur de peau et de la même « culture ». Rappelons par exemple qu’aux Etats-Unis avant la Première Guerre mondiale l’anarchisme était considéré comme un courant étranger, exogène, même si ces partisans venaient d’Europe comme les WASP, les protestants blancs anglo-saxons, modèle de la classe dominante américaine.
L’extrême droite utilise le thème du déracinement pour expliquer que les « immigrés » seraient beaucoup plus heureux chez eux (cf. les slogans du groupe fasciste Terre et Peuple : « 100% enraciné, 100% européen, Rejoignez la résistance » ; « Ici c’est notre terre, se taire c’est mourir »). Et Bruno Mégret écrivit en 1990 : « Notre nation a été contaminée par le virus du déracinement dont les effets dévastateurs s’attaquent aussi bien à sa chair qu’à son esprit. (…) Le cosmopolitisme (cette maladie) a des effets aussi pernicieux que dévastateurs. (…) Il agit sur la nation à la façon du SIDA sur le corps humain. »
Quant à l’extrême gauche et aux altermondialistes, ils se servent des concepts flous de « racines » et de « déracinement » pour critiquer l’exode rural, la destruction des communautés traditionnelles, l’industrialisation de l’agriculture, etc., sans s’interroger véritablement sur les ambiguïtés de ces notions.
Extrait du n° 36/37 de Ni patrie ni frontières : "Extrême gauche, extrême droite : inventaire de la confusion"