Résumé
Conformément au modèle que l’on a pu observer en Espagne et au Portugal (1974-1976), mais aussi au Brésil (1978-1983) à partir du milieu des années 1970, la classe ouvrière sud-coréenne a détruit, grâce à des grèves de masse remarquables au cours des années 1987-1990, les bases d’une dictature militaire qui sévissait depuis des décennies. Pendant une brève période (1990-1994), les grèves ont abouti à la création de syndicats démocratiques radicaux et donc à des augmentations de salaires élevées et générales. Mais, comme dans les autres cas cités ci-dessus, la classe ouvrière a été reléguée au rôle de bélier facilitant un changement politique « démocratique » qui a rapidement chanté l’hymne de la mondialisation et du néolibéralisme en faveur de l’économie de marché.
En fait, avant la vague de grèves mais surtout après, le Capital sud-coréen investissait déjà à l’étranger et cherchait à imposer une politique d’austérité néolibérale à l’intérieur du pays. En 1997-1998, la crise financière asiatique força la Corée du Sud à passer sous la tutelle du FMI, ce qui accéléra considérablement la précarisation de la classe ouvrière coréenne, précarisation qui avait été la principale riposte capitaliste aux avancées de la fin des années 1980. Aujourd’hui, au moins 60 % de la main-d’œuvre vivent dans la précarité la plus brutale.
Soumis aux licenciements instantanés, les travailleurs précaires touchent des salaires et des avantages sociaux qui sont au moins inférieurs de moitié à ceux des travailleurs fixes (10 % de la population). Les vestiges bureaucratiques des syndicats démocratiques radicaux du début des années 1990 ne sont plus aujourd’hui que des organisations corporatistes représentant cette élite de la classe ouvrière, et autant de luttes ont éclaté entre les travailleurs fixes et les travailleurs précarisés qu’entre l’ensemble des ouvriers et le Capital lui-même.