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« Centres d’expulsion » et « centres de départ » : Où est la différence ?
Article mis en ligne le 2 juin 2017

De Fabel van de illegaal n° 63, mars/avril 2004

Ellen de Waard et Harry Westerink

Rita Verdonk, ministre néerlandaise de l’Immigration, veut expulser des milliers de réfugiés. Seuls 2 100 d’entre eux ont l’autorisation de rester dans le pays car ils satisfont aux critères draconiens de l’accord d’amnistie de Mme Rita Verdonk(1). Cohérente avec le style général du gouvernement actuel, elle ne cesse de répéter que les réfugiés doivent « prendre la responsabilité » de « partir ». Néanmoins, la plupart d’entre eux ne peuvent rentrer chez eux ou tout simplement ne veulent pas.

La nouvelle politique sévère d’expulsion a été présentée en novembre 2003 dans Terugkeernota (Le Mémo du Retour). Cette publication souligne la nécessité d’organiser des campagnes de propagande pour promouvoir la nouvelle politique. Le slogan de Mme Verdonk (« Celui qui veut revenir au pays peut parfaitement rentrer chez lui ») sera sans doute accepté par les différents partis politiques et imposé aux réfugiés eux-mêmes. Dès l’instant où ils arrivent aux Pays-Bas, les réfugiés entendront sans cesse le message : « Une expulsion n’est qu’un simple retour au pays. »

Rita Verdonk va séparer plus strictement les « réfugiés qui ont une chance d’obtenir une carte de séjour » de ceux qui n’en ont aucune. En d’autres termes, ceux qui resteront peut-être aux Pays-Bas et ceux qui seront presque certainement expulsés. Après avoir demandé l’asile, les réfugiés seront d’abord logés dans des « centres d’orientation ». Aujourd’hui, les services d’immigration (l’IND) rejettent dès le départ presque toutes les demandes. Tous les réfugiés dans ce cas seront emmenés immédiatement dans des « centres de retour ». Même si leur demande d’asile politique continuera à suivre son cours et s’ils peuvent encore faire appel d’une décision négative, leur conditions de vie seront délibérément aggravées. « De cette façon, le gouvernement veut que les réfugiés comprennent clairement qu’ils n’obtiendront sans doute pas de carte de séjour et qu’ils seront très probablement obligés de quitter les Pays-Bas (2). » Dans les « centres d’orientation » les services seront « orientés vers les Pays-Bas » et dans les « centres de retour » vers « l’avenir dans leur pays d’origine ».

Selon cette publication, tous les salariés doivent soigneusement réfléchir avant de choisir de travailler dans l’un ou l’autre type de centre. En effet les capacités de « communication et le comportement du personnel » joueront un rôle particulièrement important car elles détermineront « l’impression que les réfugiés auront du gouvernement néerlandais. Les employés qui montrent encore une certaine compassion représentent un risque indésirable pour les services en question ». Dans les « centres de retour » la ministre Verdonk veut employer uniquement des salariés décidés à se débarrasser des réfugiés. « Grâce aux employés les plus motivés, nous n’enverrons plus de doubles messages aux demandeurs d’asile en ce qui concerne leur séjour aux Pays-Bas. Dans les centres de retour, des équipes spécialisées pourront désormais réfléchir à la meilleure façon de stimuler un retour autonome et l’acquisition d’une identité nationale adéquate. »

A la rue !

Le 23 janvier 2004, le Parlement a accepté le projet de Rita Verdonk d’expulser 26 000 réfugiés qui habitent aux Pays-Bas depuis une longue période. Au cours des trois prochaines années, ils devront « retourner » dans leur pays d’origine. Ils disposent d’un délai de huit semaines pour effectuer un « retour volontaire » et, dans ce cas, on leur remettra un peu d’argent et un billet d’avion. S’ils ne coopèrent pas avec les autorités, la police de l’immigration viendra les chercher à leur domicile et les emmènera dans des « centres de départ » qui ont une capacité d’accueil totale de 1500 réfugiés. Selon VluchtelingenWerk, association d’aide aux réfugiés qui reçoit des subventions importantes de l’Etat, ces « centres de départ » sont en fait la même chose que les « centres de retour » dans lesquels on place les réfugiés dont la première demande d’asile a été rejetée, mais qui ont fait appel de la décision(3).
Dans les « centres de départ », les réfugiés seront encore une fois incités à « retourner » dans leur pays, pendant encore huit semaines. Si le gouvernement, pour une raison quelconque, ne réussit pas à les expulser, ils seront simplement jetés à la rue. Il est absolument interdit aux municipalités d’offrir la moindre solution d’hébergement à ces réfugiés. L’Association des villes néerlandaises (VNG) et Rita Verdonk se sont récemment mis d’accord à ce sujet. Selon la loi sur l’immigration, les réfugiés dont la demande d’asile politique est repoussée ne peuvent obtenir une carte de séjour que s’ils sont en mesure de prouver que leur pays d’origine ne veut plus d’eux. Les réfugiés y réussissent rarement. Cependant, dans le journal de Rita Verdonk, même ce critère de « non culpabilité » est piétiné. « En vérité, tous les étrangers sans-papiers vivant aux Pays-Bas, y compris les réfugiés dont la demande d’asile a été rejetée, tous les sans-papiers qui veulent rentrer dans leurs pays peuvent le faire(2). » Selon ce raisonnement cynique, on doit, par principe, toujours blâmer les réfugiés pour leurs choix. Cette idée a provoqué la colère de Inlia(4) et VluchtelingenWerk(3), la première étant une association de soutien religieuse et la seconde une association quasi officielle. Elles ont souligné le fait que dans les années 90 le précurseur des « centres de départ » actuel avait été un désastre sur le plan humain(5). Dans ce « centre d’expulsion », Ter Apel, la situation des réfugiés avait abouti à un désastre humanitaire.

Avec ses plans offensifs la ministre de l’Immigration veut obliger « les réfugiés à penser différemment » et « les amener à décider eux-mêmes de revenir au pays »(2). Mais, selon elle, les pays d’origine ne se montrent souvent pas assez coopératifs. Ils refusent fréquemment de reprendre leurs propres citoyens. « De nombreux pays d’origine considèrent que toutes les formes de migration jouent un rôle positif. Il existe une certaine contradiction entre la volonté des Pays-Bas de contrôler l’immigration et la politique des pays d’origine. » Selon Rita Verdonk, la politique gouvernementale du « retour » devrait cibler plus particulièrement les « pays à problèmes » comme l’Afghanistan, l’Algérie, l’Angola, la Chine, le Congo, la Guinée, l’Iran, le Nigeria, la Serbie et la Syrie. Si ces pays ne « montrent pas leur volonté de coopérer avec notre politique de retour et ne reprennent pas leurs ressortissants, nous réfléchirons aux moyens d’exercer des pressions sur eux ».

Colère

L’attitude des municipalités face aux réfugiés déboutés du droit d’asile est extrêmement hypocrite. Auparavant, elles demandaient que le gouvernement procède à une grande amnistie, qui toucherait environ 9 000 personnes, en particulier les cas de familles dont les enfants sont nés aux Pays-Bas et sont complètement « intégrés ». Les quatre principales villes néerlandaises et les provinces septentrionales de Groningen et de Friesland ont refusé, en décembre 2003, de jeter les réfugiés à la rue. Mais maintenant l’Association des villes néerlandaises (VNG) se déclare satisfaite que le gouvernement « prenne ses responsabilités » et « applique une politique d’expulsion plus active »(6). Pourtant, cette politique frappe exactement les réfugiés dont les municipalités souhaitaient auparavant qu’ils soient amnistiés. En bref, durant ces derniers mois, les municipalités ont soutenu les protestations contre la politique gouvernementale pour des raisons purement opportunistes, uniquement dans le but de se débarrasser du « problème » des réfugiés déboutés du droit d’asile.
Au début de janvier 2004, le président de VNG, et le maire de Dordrecht, Ronald Bandell, ont vanté l’ « humanité » des « centres de départ », même si pour le moment l’on ignore totalement combien de centres seront créés, où et comment ils fonctionneront. Selon Ronald Bandell, ce seront « des centres raisonnablement fermés ». Pourtant, de tels centres sont illégaux selon le droit international, en particulier la convention internationale sur les droits des enfants. Bien que les municipalités aient approuvé la plus vaste campagne d’expulsions menée depuis la guerre, de nombreux citoyens et organisations concernés sont de plus en plus en colère. Ils sont furieux de voir la brutalité de la ministre Verdonk et des municipalités qui appliquent sa politique de façon dissimulée. De nombreux réfugiés sont très en colère et beaucoup d’entre eux commencent à avoir très peur.

En dehors de la création de nouveaux centres, Rita Verdonk veut aussi étendre les mesures répressives déjà en vigueur contre les étrangers. Les contrôles aux frontières seront intensifiés pour mieux refouler les réfugiés avant même qu’ils mettent le pied sur le sol néerlandais. Le gouvernement veut donc stocker des donnés biométriques — empreintes digitales, scanners d’iris, etc. — dans des bases de données. « En Europe les Pays-Bas soutiennent la création d’un système de visa européen (VIS) qui recueillerait les caractéristiques biométriques de tous les demandeurs de visa. Ce système est censé limiter la fraude, augmenter l’efficacité des contrôles des détenteurs de visa aux frontières, et accroître les chances d’identifier les étrangers sans-papiers(2) ». Le VIS sera couplé avec le système d’information Schengen (SIS) et devrait être opérationnel en 2007. Sur la demande du gouvernement néerlandais, la Commission européenne a déjà proposé d’ajouter les caractéristiques biométriques sur les visas et les cartes de séjour. Rita Verdonk a de nouveau augmenté les amendes pour les lignes aériennes qui transportent des réfugiés ne disposant pas de tous les papiers nécessaires. Ces compagnies aériennes devront payer les frais d’hébergement des réfugiés jusqu’à l’expulsion de ceux-ci. La ministre de l’Immigration veut aussi intensifier la chasse aux sans-papiers. En 2004 mille policiers supplémentaires seront affectés à cette tâche.

Ellen de Waard et Harry Westerink
(2004)

Notes

1. Voir : « La ministre Verdonk propose une minuscule amnistie », Ellen de Waard, Archives De Fabel.
2. Terugkeernota, 21.11.2003.
3. « VluchtelingenWerk Nederland sceptisch over terugkeerplannen van Verdonk », site Web de VluchtelingenWerk.
4. « Reactie van stichting Inlia op de Terugkeernota van de minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie », site Web d’Inlia.
5. Voir : « Verwijdercentrum Ter Apel maakt vluchtelingen kapot », Merijn Schoenmaker et Eric Krebbers, Archives De Fabel.
6. « VNG tevreden met akkoord uitgeprocedeerden », site Web de