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Ni patrie ni frontières
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Limites de l’antisionisme (4)
Article mis en ligne le 8 mai 2017

De la cécité volontaire
Il est curieux de constater la cécité de certains antisionistes israéliens. Uri Avnery vétéran de la lutte contre le sionisme dans son pays n’hésite ainsi pas à écrire : « Les déclarations du Premier ministre de Malaisie Mahathir bin Muhammad sur le fait que les Juifs contrôlent le monde sont-elles antisémites ? Oui et non. Ils illustrent certainement la difficulté de dénoncer les discours antisémites. Du point de vue des faits, cet individu a raison quand il affirme que les Juifs exercent une influence bien plus grande que leur importance numérique dans la population mondiale. Il est vrai que les Juifs exercent une influence significative sur la politique des États-Unis, la seule super puissance, ainsi que sur les médias américains et internationaux. On n’a pas besoin des Protocoles des Sages de Sion, faux manifeste, pour affronter ce fait et en analyser les causes. Mais les notes finissent par faire une musique, et la musique de Mahathir ressemble vraiment à de l’antisémitisme. »

Avec de telles finasseries dialectiques, on n’est pas près de se débarrasser de l’antisémitisme ! Comment ne pas voir que ceux qui s’intéressent systématiquement aux prétendues « origines juives » de X ou de Y ont toujours un but politique caché ? Ce qui compte ce n’est pas de savoir combien de protestants, de catholiques ou de juifs sont présents dans les médias ou dans les élites politiques de tel ou tel pays, mais de prendre position par rapport au contenu concret des politiques qu’ils défendent.
Dans le même texte Uri Avnery affirme à propos de l’Islam : « il y a quelques ( ?!) passages négatifs sur les Juifs dans le Coran » ; « Mahomet a décrété que les « Peuples du Livre » (juifs et chrétiens) devaient être traités avec tolérance » et « presque tous les Juifs expulsés de l’Europe catholique se sont installés dans les pays musulmans et y ont prospéré ». Là encore, mû par la volonté de ne pas apparaître « islamophobe », Uri Avnery oublie un certain nombre de faits évidents et connus de tous :
— le statut de dhimmi réservé aux partisans des autres religions ouvre la porte à toutes les exactions (même si, d’un point de vue comptable, elles ont été moindres en terre d’Islam qu’à la « Belle Époque » de l’Inquisition) ;
—  700 000 Juifs ont été expulsés des pays arabes depuis la création de l’État d’Israël. On peut bien sûr plaider que ce sont les « sionistes » qui ont commencé les premiers, mais il est difficile de nier que l’immense majorité des pays arabes ont eu recours à l’arme de l’antisémitisme, aux persécutions juridiques et policières contre leurs citoyens juifs dont la majorité vivaient dans ces États depuis des siècles et parfois étaient arrivés avant les dits Arabes… Comment concilier cette réalité avec la fiction d’une entente multiculturelle et sans nuages ? Mystère.
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Si l’on veut sortir la question israélo-palestinienne de sa dimension religieuse qui l’empoisonne des deux côtés, il faut d’abord commencer par ne pas idéaliser la religion musulmane, religion aussi oppressive que les autres.

Arafat a été « ému » (sic) en voyant La Passion du Christ, ce film « historique » (resic) de Mel Gibson
Dans une lettre ouverte à Yasser Arafat du 3 avril 2004, Uri Avnery écrit :
« Dans l’hebdomadaire palestinien The Jerusalem Times, paru le 26 mars 2004, un court article rapporte que vous avez vu le film controversé de Mel Gibson La Passion du Christ. Votre assistant et proche collaborateur a déclaré que vous aviez trouvé ce film “ émouvant et historique”. Puis il a ajouté : “Les Palestiniens sont victimes tous les jours du même genre de souffrances qu’a endurées Jésus durant sa crucifixion. ”Si cette déclaration n’était pas parue dans un journal palestinien, j’aurais pensé qu’elle avait été inventée par l’appareil de propagande d’Ariel Sharon. Il est difficile d’imaginer une phrase qui puisse causer davantage de tort à la cause palestinienne. »
Et Uri Avnery d’expliquer longuement et poliment à Arafat sur le site de Gush Shalom que le Nouveau Testament n’est pas une source fiable… !!! Comme si Arafat et son conseiller ne le savaient pas et ignoraient que leurs propos allaient faire le jeu de l’extrême droite israélienne en plaçant le conflit israélo-palestinien sur un terrain religieux multiséculaire…

Athéisme sélectif ?
Trouvé sur le site de la CNT-AIT, le récit d’un journaliste qui s’intitule « Parcours en Palestine occupée » :
« Premier contact avec Jérusalem : étrange de se trouver en contact direct avec les mythes religieux, le Saint Sépulcre, le Mur des lamentations, les stations du Chemin de croix… C’est peut-être la mosquée d’Al-Aqsa qui paraît le moins irréelle depuis la seconde Intifada. »
Toutes les religions reposent donc sur des mythes (jusque-là on est plutôt d’accord, quoique le marxisme et l’anarchisme aussi, mais enfin c’est une autre histoire), mais certains mythes seraient moins « irréels » que d’autres… Ah, l’athéisme rrrradicalement libertaire nous réserve de « réelles » surprises ! Saint Bakounine et saint Proudhon ont dû se retourner dans leurs tombes.

Le gouvernement israélien responsable des attentats-suicides, mais pas le Hamas ?
(Article de Eric Ruder, Socialist Worker, 26 mars 2004)
« Dans le passé, Israël a déjà perpétré des assassinats pour provoquer des attentats-suicides, en calculant froidement que la mort de citoyens israéliens pouvait être manipulée pour obtenir des bénéfices diplomatiques. »
Les « froids calculs » sont des deux côtés. Que penser des terroristes qui ont envoyé à la mort le 24 mars 2004 un enfant palestinien de 12 ans avec une ceinture d’explosifs autour de la taille ? (Heureusement la ceinture n’a pas explosé, mais que va-t-il arriver à cet enfant dans les prisons israéliennes ?) Si le « terrorisme d’en haut » (celui de l’État israélien) nourrit le « terrorisme d’en bas » (le Hamas), la réciproque est tout aussi vraie, d’autant plus que le projet politique du Hamas est d’établir un État islamique qui lui aussi fera appel au terrorisme d’État à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Mais cela nos bons trotskystes américains s’en moquent. Il leur suffit de « porter les valises » des exploiteurs de demain en dénonçant les exploiteurs d’aujourd’hui.

Inconscience ?
Après sa percée électorale de 1995, Lutte Ouvrière a tenté de créer des petits journaux locaux gratuits, composés d’échos politiques. Dans le supplément gratuit au N° 1444 de Lutte ouvrière du 8 mars 1996, on peut lire l’écho dont nous reproduisons les extraits suivants :
« PHILOPROFITS
« Connaissez-vous l’écrivain-philosophe Bernard Henri-Lévy ? Vous devriez, car on le voit beaucoup à la télé.
« Bien malin qui pourrait dire ce qu’il a écrit en tant qu’écrivain (1). Mais en tant que philosophe, nous, nous savons qu’il a écrit sur (contre) le marxisme et sur (contre) le trotskysme. Il s’est illustré, au moment des Européennes, en essayant de présenter une liste « pour Sarajevo », pour qu’on fasse la guerre aux Serbes. C’était, bien sûr, par souci d’humanité.
« Mais il a aussi un violon d’Ingres : depuis dix ans, en effet, pour préparer la succession de son papa, décédé récemment d’ailleurs, il est vice-président et suit de très près les affaires du groupe BECOB, numéro 2 du négoce du bois. Avec sa famille, il détient 65 % des capitaux du groupe. À noter que le chiffre d’affaires de ce groupe a presque doublé dans les deux dernières années. Il est en effet passé de 1,7 à 3 milliards de francs entre 1993 et 1995. On voit que ce n’est pas la crise pour tout le monde, et que les philosophes sont loin d’être tous dans la misère. (…) »
Et cela continue comme sur le même registre pendant encore une quinzaine de lignes. Difficile d’aligner en si peu de mots autant de clichés contre une personne dont le nom est indiscutablement juif et qui ne cache pas ses sympathies pour l’État d’Israël : fauteur de guerre, intellectuel obscur, fils de bourgeois, exploiteur sans scrupules, tels sont les clichés qui viennent spontanément à l’esprit du lecteur en lisant ce portrait au vitriol. Lutte ouvrière n’est bien sûr pas antisémite, ce n’est pas la question. Mais « simplement » ce groupe est tellement convaincu d’avoir raison, d’être infaillible sur tout, qu’il ne mesure pas la portée de ces dénonciations, aussi justes soient-elles quant aux faits énoncés. Ce supplément distribué gratuitement dans les boîtes aux lettres des quartiers ouvriers abordait de façon vivante et humoristique de nombreuses questions importantes. Mais prendre un intellectuel juif, sioniste et gros actionnaire pour tête de Turc (si j’ose dire), était-ce vraiment malin, si l’on ne veut pas faire la courte échelle à Le Pen ?
1. Cet anti-intellectualisme démagogique et populiste rappelle de sinistres souvenirs : ce n’est pas parce que le rédacteur de cet écho n’a jamais lu ou vu un livre de BHL qu’il doit juger ses lecteurs aussi ignorants que lui (quoi qu’on pense de leur contenu, les romans et essais dudit BHL se trouvent en livre de poche et dans les kiosques des gares et supermarchés… ce qui n’est pas le cas des livres d’Arlette).

Empathie sélective ?
Sur une liste de discussions libertaire, un auteur ayant écrit plusieurs livres favorables à l’euthanasie fait circuler un texte intitulé « De Dachau à Berk-sur-Mer », dans lequel il compare « l’acharnement des médecins de Berk à maintenir "en vie" le jeune Vincent contre sa volonté affirmée » à celui des « médecins nazis » !!! Je n’ai aucune envie de reproduire le reste de son argumentation car elle est de la même eau : écœurante. Quand on lit ce genre de prose, on voit les dégâts qu’ont causé dans certains milieux les négationnistes — je fus le seul, sur cette liste de diffusion, à réagir contre ce texte par ailleurs rempli de bonnes intentions et d’empathie pour les personnes qui souhaitent mourir lorsqu’ils sont atteints de maladies incurables. L’empathie sélective, une maladie gauchiste ?

Faut-il dénoncer les délateurs ?

Le Prolétariat universel, feuille recto verso « ultragauche » spécialisée dans la dénonciation tous azimuts (de la bourgeoisie, des islamistes, des staliniens, des féministes, des gauchistes, des sociaux-démocrates, des antiracistes, des syndicats, des ONG, du Pape, et j’ai dû en oublier quelques-uns) s’attaque dans son numéro 82 du 21 octobre 2003 à la prétendue Histoire de l’ultragauche écrite par Christophe Bourseiller, ou plus exactement le P.U. s’attaque à la personne de cet auteur. Autant il est normal de critiquer politiquement et sans concessions ce livre pour ses témoignages non recoupés, ses ragots présentés comme des faits historiques, sa confusion théorique, sa mauvaise foi, son objectif politique à peine dissimulé, etc., autant il est inadmissible, après avoir affirmé (propos par définition invérifiable) que Christophe Bourseiller « travaille sans relâche pour la police en tant qu’inspecteur privé », d’en rajouter encore une couche en glosant dans un article sur le fait que Bourseiller est un pseudonyme et dans un autre sur le fait que ledit auteur serait d’« origine juive » : « Comme si être d’origine juive devait lui épargner d’être considéré comme une balance et un arriviste sans scrupule », écrit le subtil P.U. Même si c’est Bourseiller qui s’est lui-même placé sur ce terrain pour se défendre d’une accusation d’antisémitisme, pourquoi en rajouter ? Tout comme le rédacteur de LO ci-dessus, celui du P.U. est dans un trip de toute-puissance : il a le droit de tout dire, na ! Personne ne peut l’accuser de quoi que ce soit et il peut se permettre de jeter de la boue aux quatre coins de l’horizon.

Le poids des mots, le choc des photos ?
Après Socialisme international (cf. Ni patrie ni frontières n° 1) c’est Combat syndicaliste qui s’y colle. Une photo sans commentaires d’un soldat israélien qui met en joue un petit enfant palestinien (à vue d’œil 4-5 ans) accompagné de ses parents. Le contexte : on ne le connaît pas, on ignore si la photo a été découpée ou pas, et le maquettiste de la CNT-AIT ne s’est sans doute même pas posé la question. Que dirait-on si un journal « sioniste » montrait un enfant égorgé par un Palestinien ou son cadavre en petits morceaux après un attentat suicide ? Quand les gauchistes arrêteront-ils de jouer avec les images ?