Préface
L’écologie est à la mode, de l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par la droite et le centre. Pourquoi les multinationales et les Etats se sont-ils tous convertis à l’écologie ? D’où vient cette propagande planétaire qui prétend transcender tous les clivages idéologiques et politiques ? Des « nouveaux mouvements sociaux » ou des multinationales ? Des gestionnaires du capitalisme ou des partisans de « l’éco-socialisme » ? Quels sont les principaux auteurs qui, à tort ou à raison, sont considérés comme les précurseurs de l’écologie ? Pourquoi les écologistes s’intéressent-ils davantage aux plantes et aux animaux, qu’aux hommes et aux femmes qui travaillent et sont exploités par le Capital ? Davantage à « la planète », à la « biodiversité » et au « climat » qu’aux prolétaires et à leurs conditions de travail ? Quelle a été la place de l’écologie dans l’Italie mussolinienne, le Portugal salazariste et l’Allemagne hitlérienne ?
Sur ce dernier point, on lira avec intérêt l’article d’un historien qui partage un point de vue différent de celui de João Bernardo, voire opposé sur de nombreux points .
Chapoutot considère que la « nature » des nazis n’avait rien à voir avec la celle des écologistes ; que les nazis n’eurent aucun respect pour l’environnement, bien au contraire ; que leur discours favorable à la « nature » était fondamentalement lié à une conception raciale de la culture germanique censée transformer la nature, et non à l’amour des forêts, des montagnes, des montagnes ou des animaux ; et que, de toute façon, ils ne s’intéressaient qu’aux paysages et à l’écosystème purement germaniques et pas aux autres pays ou à la planète tout entière. Il reconnaît pourtant que les défenseurs de la nature trouvaient le discours nazi séduisant : « Déçus par les palinodies d’un parlementarisme trop complexe pour être volontariste, les militants du Naturschutz allemand ont accueilli le mouvement nazi, son exaltation du paysan et des paysages, comme une aubaine, et ont œuvré au succès de leur projet dans le cadre du nouveau régime. » Mais notre historien écolo n’en tire aucune conclusion politique, ce qui est quand même étonnant pour un intellectuel soucieux de « blanchir » l’écologie de toute influence réactionnaire. Si on le suit bien, les défenseurs de la nature furent de bons collaborateurs du nazisme mais cela n’avait aucun lien avec la moindre proximité idéologique entre ces deux courants... Chapoutot se garde bien, évidemment, d’aborder la question de l’écologie sous l’angle choisi par Bernardo : l’extorsion de la plus-value absolue. Sur ce point, il n’a rien à dire, ce qui est bien dommage !
Dans ce recueil d’articles publiés en 2007, 2012 et 2013 sur le site libertaire brésilien Passa Palavra, João Bernardo apporte, dans un style polémique et incisif, des réponses solidement argumentées, à contre-courant des discours automatiques dominants.
Pour celles et ceux qui ne veulent pas renoncer à leur esprit critique et souhaitent en finir avec l’exploitation et l’oppression, l’important n’est pas tellement de savoir si l’on doit tomber d’accord avec l’auteur sur tous les points (attitude gauchiste, libertaire, autonome ou anarchiste dogmatique très répandue), mais s’il pose les bonnes questions et si ses réponses font bouger un peu nos certitudes et remettent en cause notre paresse intellectuelle...
Pour ma part, j’éprouve le plus grand scepticisme à propos de ce que l’on peut appeler (si l’on est gentil) son « optimisme technologique » radical, mais l’auteur nous incite à réfléchir aux « lieux communs de l’écologie », dans une perspective révolutionnaire, anti-étatiste et anticapitaliste. Sa démarche est suffisamment originale pour être connue et débattue.
P.S. : Ce livre comporte plusieurs citations d’ouvrages anglais déjà traduits. J’ai indiqué les références bibliographiques en français pour qu’on puisse les retrouver facilement, mais n’ai pas eu le temps d’utiliser les traductions existantes. J’ai donc traduit du portugais en français les citations antérieurement traduites par João Bernardo de l’anglais au portugais. Lors d’une prochaine édition (s’il y en a une !) je corrigerai mes traductions, au cas où cela s’avérerait nécessaire. Toutes mes excuses, par avance, aux lectrices et lecteurs pour d’éventuelles erreurs.
PPS : Les articles de ce recueil ayant été écrits pour le Net à des époques différentes (2007, 2012 et 2013) comportent quelques répétitions, même si nous avons effectué quelques coupes signalées par (...).
Y.C., avril 2017
Lectures utiles et complémentaires
* Un dossier sur l’extrême droite française actuelle et l’écologie : http://confusionnisme.info/2015/03/13/lextreme-droite-et-lecologie/
*Trois livres indispensables de Philippe Pelletier :
– L’imposture écologiste, Editions géographiques Reclus, 1993 (épuisé),
– Climat et capitalisme vert, Editions Nada, 2015,
– La critique du productivisme dans les années 1930, Noir et Rouge, 2016.
Et différents articles du même auteur notamment « Interrogations sur le concept de décroissance » (Le Monde libertaire n° 1471, 2007) ; « Les nouveaux (et les anciens) croyants de l’écologisme » ; « Productivisme et antiproductivisme dans les années 1920-1940 », « Le mythe de la finitude terrestre » (Réfractions n° 26).
Nazisme et nature (2007) 9
Le mythe de la nature (2012)
– La mythification de la paysannerie 27
– Agriculture familiale et fascisme italien 35
– L’agriculture familiale et le nazisme 44
Post-scriptum : contre l’écologie (2013)
1. La racine d’un débat 55
2. Le lieu commun de notre époque 67
3. L’hostilité contre la civilisation urbaine 78
4. L’agro-écologie et la plus-value absolue 93
5. Georgescu-Roegen et la décroissance 107
6. Malthus, théoricien de la croissance 118
7. « Les limites de la croissance » ou une croissance sans limites 130
8. Opportunités d’investissement et aggravation de l’exploitation 142
Prix 12 euros, frais de port compris. Disponible en écrivant à Yves Coleman 10 rue Jean Dolent 75014 Paris. Chèque à l’ordre de Yves Coleman