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Ni patrie ni frontières
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Retour sur les élections présidentielles et législatives (2007)

On aurait pu penser que la situation post-électorale que nous vivons, aurait vu émerger une mobilisation importante à la « hauteur » du matraquage médiatique quotidien distillé pendant toute la campagne présidentielle. Celui-ci avait d’ailleurs commencé bien avant, avec la propagande d’incitation à s’inscrire sur les listes électorales.
Pourtant, depuis l’élection de Sarkozy, des révoltes (*) et rassemblements spontanés se sont fait jour dans plusieurs villes mais sans perspectives réelles pour le moment : l’attentisme est à l’ordre du jour.

Article mis en ligne le 5 mai 2017

Tandis que la droite se félicite et se pâme de toute-puissance, la gauche en pleine décomposition en est réduite à quelques gesticulations moribondes : certains quittent même ses rangs pour rejoindre le gouvernement d’un homme qu’ils estimaient « dangereux » avant le résultat du second tour des présidentielles ; et l’apathie règne jusqu’à l’extrême gauche.
Les effets de rabattage aux urnes de la part de toutes les organisations de gauche et d’extrême gauche peuvent expliquer une partie de la démoralisation : en effet quelle peut être leur réponse à un scrutin « démocratique » quand une partie de leurs préoccupations se centre sur l’électoralisme ? En toute logique, la critique de la « démocratie » les prendrait à leur propre piège, les pousserait à remettre en cause leur propre fonds de commerce, le fait de chercher des strapontins électoraux, les jeux d’appareil, etc.

On peut néanmoins attaquer la « légitimité » toute relative de ce scrutin sur quelques points. Quand il ressort de la bouche d’un des chefs de l’UMP que « Ce n’est pas la rue qui gouverne », comment peut-on croire une seconde que le système de représentation actuel est démocratique ? Dans un fonctionnement démocratique, rendre des comptes de la part des élus serait la condition de base pour que ce système puisse être crédible. Or, jamais n’est posée la question de la révocabilité des mandats.

D’abord, cette accession à la « légitimité démocratique » et à la caste dirigeante est chargée de verrous, elle n’est ouverte la plupart du temps qu’à une clique d’énarques et/ou de carriéristes. Ajoutons qu’un mandat de député rapporte à celui-ci 6 952 € bruts – 5 178 € nets- par mois. A l’issue de son mandat, il touchera une allocation chômage du même montant pendant cinq ans, puis il bénéficiera d’une rente à vie de 1 135 €, soit 20% de son traitement [1].

De plus, la manne financière liée au nombre de voix est suffisamment intéressante – 1,66 € par voix à condition de dépasser les 1% de voix dans au moins cinquante circonscriptions –, pour que certains individus prennent le risque de se lancer dans le jeu électoral. L’inflation des candidatures a été surprenante. Petits et nouveaux partis ont alors fleuri étrangement en cette période des législatives : rien que trois chapelles différentes écolos dont une qui avait fait parler d’elle avec Francis Lalanne, des partis inconnus au bataillon comme La France en Action dont certains candidats sont des membres de sectes diverses comme celle de l’Ordre du temple solaire... Cela traduit l’état de décomposition de notre société où 1% des électeurs sont prêts à accorder leurs voix à n’importe quelle secte mystique venue de nulle part (on se rappelle la candidature du Parti de la Loi naturelle, défenseur du vol yogique lors des élections européennes).

En revanche, la stratégie « pédagogue » des partis d’extrême gauche est moins évidente. Aussi A. Laguiller affirme dans le même temps lors de la dernière campagne des législatives que le vote est « un chiffon de papier » et que voter pour L.O serait un gage de faire grève dès les premières mesures contre les travailleurs.
Quant à la LCR, le discours de O. Besancenot revient à dire que le parlementarisme est compatible avec un changement de société [2].

Il faut aussi prendre en compte la part importante de l’abstention. A ces dernières législatives, la moyenne nationale a été de 40%. Certains quartiers populaires ont même totalisé largement plus de 50% d’abstentions. C’est dire le discrédit et/ou le désintéressement portés à la politique. Comment s’en étonner alors que depuis des décennies, la politique fait dans le spectacle et le show bizness (émissions politiques questions/réponses, politique people avec son lot de démagogie et d’artifice, etc.). Elle est devenue une offre de consommation parmi d’autres, mais se révèle à chaque fois une arnaque.

Ce qui a été frappant à cette dernière élection présidentielle a été la personnalisation [3] du vote : on culpabilise individuellement l’électeur ou l’abstentionniste, mais on déresponsabilise la population sous couvert de « démocratie », laissant place au fatalisme, à la résignation, voire au nihilisme.
D’après nos représentants, nos journalistes, nos économistes, etc., un dépassement du système économique et politique en place serait de toute façon impensable, seule resterait possible la négociation « concertée » de la régression sociale. Le moyen de s’opposer à la marchandisation globale ne peut décidément pas résider dans la morgue « démocratique ». Combattre l’isolement, la vision d’un ennemi imaginaire (le voisin, l’ « immigré », etc.), peut faire notre force à condition de sortir de l’individualisme quotidien et de la valorisation marchande.

CNT-AIT

(*) Commentaire de Ni patrie ni frontières : En fait de « révoltes » il s’est agi de protestations ultraminoritaires, limitées dans le temps et dans l’espace, et liées, pour l’essentiel, aux provocations policières (présence massive de cars de CRS dans des quartiers populaires, charges contre des rassemblements pacifiques dès le soir de l’élection, utilisation de chiens policiers, répression violente et totalement disproportionnée, notamment dans les banlieues parisiennes, mais aussi dans des villes de province) et surtout à la déception de beaucoup de jeunes que Royal n’ait pas été élue au second tour. On peut parier sans risques qu’aucun de ces « mécontents » n’aurait manifesté pour dénoncer le « social-libéralisme » de la candidate PS, le soir de son élection. Bien au contraire, on les aurait retrouvés avec des drapeaux tricolores en train de nous jouer un remake du 10 mai 1981… Les exagérations de la CNT-AIT rejoignent inconsciemment le raisonnement de ceux qui s’indignaient de l’élection de Sarkozy, jugée « illégitime », ou « fabriquée par les médias », constats qui refusent de prendre en compte l’ampleur du taux de participation aux deux tours et du score obtenu par le candidat de la droite gauloise. On ne peut mettre sagement un bulletin dans l’urne et ensuite clamer que les dés sont pipés parce que le candidat adverse a gagné. De même on ne peut refuser de voter, pour ensuite protester à cause du résultat d’une élection que l’on a boycottée…

Notes

[1] Loi votée en catimini à l’Assemblée nationale le 1/02/07 à l’unanimité (UMP, UDF, PS, PCF), voir Le Canard Enchaîné, 7 février 2007.
[2] Cf. premier film de campagne officiel pour les législatives
http: //www.radio-rouge.org/index.php/Legislatives-2007/p4
[3] Pour comprendre comment la « personnalisation » est un processus à l’œuvre dans nos sociétés modernes, lire G. Lipovetsky, L’ère du vide, essais sur l’individualisme contemporain, Folio Essais, 1979.