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Ni patrie ni frontières
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Interview de Miguel Rossetto, ministre trotskyste brésilien suivie d’un dialogue imaginaire

(En politique, un certain nombre d’opinions sont respectables. Par contre, ce qui est inadmissible c’est la duplicité. En voici un bon exemple, qui se passe de commentaires... Cet entretien est traduit de l’espagnol et a été pu-blié dans El Pais, mais pas bien sûr dans la presse trotskyste. Ni patrie ni frontières)

Article mis en ligne le 1er mai 2017

Entretien avec Miguel Rossetto, ministre brésilien du Développement agri-cole accordé au journal espagnol El Pais, le 15 septembre 2003.

« Nous ne voulons pas que l’OMC échoue »
Cancun, le 14 septembre 2003. El Pais

Miguel Rossetto, ministre brésilien du Développement agricole, 43 ans, l’un des principaux participants des négociations agricoles à Cancun, est un parti-san décidé de l’OMC. « Nous ne sommes absolument pas intéressés par un échec de l’OMC. Et encore moins à un moment où se produit une fragilisation des organismes internationaux et où croissent les inégalités.

Question : Cela signifie-t-il que vous êtes obligés d’arriver à un accord à Cancun ?

Réponse. Non, nous croyons que le document approuvé à Doha contient des éléments positifs parce qu’il accepte que le développement du commerce agricole est un espace économique dans lequel les pays pauvres doivent pou-voir se concentrer sur leurs problèmes. Ainsi il vaut mieux ne rien toucher aux règles antérieures plutôt que d’approuver, par exemple, le document agricole présenté par les États-Unis et l’Europe, qui ne respecte même pas ces prin-cipes.

Q. Les Européens reprochent au groupe des 23 et au Brésil concrètement, de maintenir des positions inflexibles.

R. Nous pouvons transiger sur les délais à négocier, les délais pour appli-quer ces politiques, mais nous ne pouvons pas transiger avec les contenus ap-prouvés à Doha.

Q. Quelle importance accordez-vous au fait que le G23 soit devenu un inter-locuteur important dans les négociations commerciales ?

R. Le G23 a ses propres propositions, solidement étudiées, et représente 63% de la population agricole mondiale, une population qui doit trouver des moyens de se défendre. Tel est le problème. C’est pourquoi le G23 s’est orga-nisé, afin d’avoir une force politique. Nous nous efforçons politiquement de préserver le multilatéralisme non comme une valeur abstraite, mais comme un élément fondamental du développement et un moyen de dépasser la pauvreté.

Q. Des pays aussi différents que l’Inde, la Chine et le Brésil resteront-ils unis ?

R. Ce ne sont pas les pays les plus grands qui posent problème, mais les plus petits, qui sont beaucoup plus fragiles face aux pressions.

Q. Est-il vrai que les cinq présidents (Brésil, Chine, Inde, Argentine et Afrique du Sud) ont eu des conversations personnelles pour garantir qu’ils vont maintenir leur unité à Cancun ?

R (silence) Disons qu’il règne un climat de compromis.

Q. Si Cancun se termine sans grandes avancées, aurez-vous le temps suffi-sant pour accomplir les objectifs fixés à Doha ?

R. Oui.

Q. Le G 23 est-il l’héritier des pays non alignés ?

R. Avec des objectifs distincts, mais oui vous avez raison.

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Un ministre trotskyste à l’OMC

(Dialogue imaginaire entre deux sceptiques ayant lu l’interview précé-dente.)

– Comme vous le savez, Miguel Rossetto, ministre du Développement agraire du Brésil a été envoyé par son gouvernement à la réunion de Cancun de l’OMC.
–Vous voulez parler de Miguel Rossetto, ce militant de Démocratie socialiste, la section brésilienne du Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale ?
– Oui, bien sûr. Le quotidien espagnol El Pais du 14 septembre 2003, sous le titre « Nous ne voulons pas que l’OMC échoue » l’a même salué comme « un des principaux acteurs des négociations ».
– Attendez, vous allez, un peu vite pour moi. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Miguel Rossetto est allé avec ses copains de la LCR, les trotskystes français qui font partie du mouvement altermondialiste. Et il a dé-noncé la tenue du sommet de Cancun, n’est-ce pas ?
– Mais non, mon cher ami, vous n’y êtes pas du tout. Miguel Rossetto n’est pas allé à Cancun pour dénoncer les « organismes supranationaux de l’impérialisme capitaliste ». Non, pour ça il avait ses copains de la LCR.
– Mais alors que diable a-t-il été faire dans cette galère ?
– Oh, mais c’est très simple. Il représentait le gouvernement Lula et il a même déclaré : « Nous ne souhaitons pas que l’OMC échoue. Absolument pas. Et encore moins en ce moment, dans une période où les organismes interna-tionaux sont en train d’être fragilisés. »
– Mais dites-moi, ce Lula, c’est pas lui qui a privatisé le régime des retraites et s’est attaqué aux fonctionnaires brésiliens à peu près en même temps que notre Raffarin ?
– Oui, oui, vous avez raison.
– Alors la LCR y sont contre Raffarin à Paris et pour Lula au Brésil ?
– Oui, vous avez tout compris, ils font un peu comme l’Église catholique : ils répartissent leurs œufs dans différents paniers.
– Mais ça me rappelle un truc, le p’tit Besancenot, il a pas dit que la LCR était prête à participer à gouvernement avec le PCF et le PS, dans le cadre d’un « gouvernement anticapitaliste » en France ?
– Oui, vous avez raison.
– Donc, en fait, y a plus qu’à s’armer d’un peu de patience. Bientôt Besan-cenot et Rossetto pourront aller bras dessus bras dessous, en première classe et en limousine, aux sommets de l’OMC…
– …pour contester la mondialisation de l’intérieur sans doute ?

Y.C., novembre 2003