Déformation, caricature de : patriotisme. Esprit étroit de nationalité. « Ce n’est à vrai dire qu’un chauvinisme ridicule et qui mérite d’être bafoué. »
Déformation, caricature de : patriotisme. Esprit étroit de nationalité. « Ce n’est à vrai dire qu’un chauvinisme ridicule et qui mérite d’être bafoué. »
Aux premiers temps des sociétés humaines, le despotisme inhérent à cette époque, est basé uniquement sur la force du prince. Quand la religion, sous sa forme primitive, base l’autorité du prince sur la volonté d’un être supra-naturel : Dieu, elle donne aux hommes la règle de ses actions : une morale. L’ordre social repose tout entier sur cette règle des actions, soi-disant révé-lée par Dieu. Tant que cette morale échappe à l’examen, le peuple accepte la loi. « Toute autorité vient de Dieu, désobéir à l’autorité, c’est désobéir à Dieu » (saint Paul, saint Thomas). Il suffit pour cela d’empêcher les déve-loppements de l’intelligence dans toute la mesure du possible, de compri-mer l’examen par tous les moyens : « Il convient d’effacer du monde par la mort, et non seulement la mort de l’excommuni-cation, mais la mort vraie, l’hérétique obstiné » (saint Thomas). (…) L’Inquisition n’est qu’un des moyens d’empêcher l’examen, il faut compter également le maintien des nationalités séparées par des frontières et garanties par des douanes : diviser pour régner (Machiavel).
Longtemps les peuples sont divisés sur la question religieuse et s’entretuent pour la prédominance d’un culte sur l’autre. Les guerres reli-gieuses sont nécessairement des guerres internationales : « Nulle cause plus puissante de séparation que la diversité des croyances ; rien qui rende l’homme plus étranger à l’homme, qui crée des défiances plus profondes, des inimitiés plus implacables. Cela est vrai, surtout pour les peuples. Quand la religion ne les unit pas, elle crée entre eux un abîme » (abbé de Lamennais).
Le maintien des peuples dans l’ignorance et leur division en nationalités a toujours été considéré comme l’art de la Politique.
(..) Quand les développements nécessaires des connaissances humaines : la science, la découverte de l’imprimerie, les modifications économiques : production, commerce, etc., reléguèrent la religion au second plan, l’Etat, représenté d’abord par le prince, puis par le gouvernement élu au suffrage des majorités, créa par l’éducation, par l’instruction, par la presse devenue un organe indestructible de la nouvelle vie des sociétés, une foi nouvelle, plus tangible plus conforme au positivisme ambiant : le nationalisme.
Diviser le monde en nations ; tout faire pour donner à chacune d’elles une physionomie particulière, un caractère spécifique ; lui donner une langue et une histoire ; des mœurs et une morale en opposition avec les expressions collectives des autres nations ; soutenir une presse et une littérature qui chantent les louanges des « qualités » de son pays, de sa nation, de sa race ; développer le sentiment de supériorité de domination, d’autorité ; tout cela pour aboutir à ce que chaque individu se sente une cellule du corps social, réel, positif, qu’est sa nation, la seule, l’unique, la divine Nation, celle que redoutent et envient toutes les autres nations.
« Le patriotisme n’est pas seulement le dernier refuge des coquins ; c’est aussi le premier piédestal des naïfs et le reposoir favori des imbéciles. Je ne parle pas du patriotisme tel qu’il devrait être, ou tel qu’il pourrait être, mais du patriotisme que nous voyons en France et même partout, qui se mani-feste dans toute son hypocrisie, toute son horreur et toute sa sottise depuis trente ans. Et je dis que la constatation ci-dessus, dont on peut facilement, tous les jours, vérifier l’exactitude, fait comprendre comment se recrutent les états-majors et les troupes qui constituent les légions du chauvinisme. Des naïfs et des imbéciles, je n’ai pas grand-chose à dire ; les premiers, dupes d’enthousiasmes irréfléchis et d’illusions juvéniles, arrivent souvent à se rendre compte du caractère réel de la doctrine cocardière et sortent, écœurés, de la chapelle où on la prêche ; les seconds, misérables êtres aux cerveaux boueux, forment un immense troupeau de serfs à la disposition d’un maître à forte poigne – ou à fort gosier – et portent leur patriotisme comme les crétins portent leur goitre (…). Quant aux chefs, ce sont quel-quefois des républicains, quelquefois des monarchistes, quelquefois les deux ensemble, ou bien ni l’un ni l’autre, Ce sont toujours des coquins. Le patriotisme n’est pour eux qu’une enseigne qui doit attirer la foule ; un dé-cor derrière lequel ils pourront machiner à loisir les combinaisons de leur goût » (Georges Darien). (…)
En France, un quotidien porte en sous-titre « organe du nationalisme inté-gral », et se dénomme L’Action Française. Rien ne rebute son nationalisme grassement payé par les partisans de l’ancien régime, en mal d’autorité à exercer, et les parvenus de la « Marianne » en mal de titres de noblesse. Ni le faux, ni le mensonge ne leur sont un obstacle. (…)
Le nationalisme, c’est cette stupidité, cette abjection et ce crime. Il a les porte-plumes, les porte-parole et les porte-drapeaux qu’il mérite. Tout indi-vidu doué de bon sens et de dignité doit le dénoncer sans répit et sans trêve le combattre. La lutte est engagée entre le Nationalisme et l’Internationalisme. Ceci tuera cela.
– A. LAPEYRE.