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Evanescence du temps historique et victoire à la Pyrrhus pour la démocratie (Temps critiques)
Article mis en ligne le 19 juillet 2024

Interventions #27
Évanescence du temps historique et victoire à la Pyrrhus pour la démocratie
dimanche 14 juillet 2024 , par Temps critiques

« Le mouvement ouvrier n’a pas été vaincu par le capitalisme. Le mouvement ouvrier a été vaincu par la démocratie […] Plus que la pratique de démocraties totalitaires, s’est fait jour une idée totalisante de démocratie ».

Mario Tronti, « Thèses sur Benjamin » in La politique au crépuscule.

1). La thèse de Tronti rend bien compte de ce qui s’est produit à la fin des années 1970 avec l’échec des mouvements d’insubordination de l’époque, mais elle est trop réductrice dans la mesure où cette défaite a été en quelque sorte consommée non seulement par la disparition de l’ancien sujet révolutionnaire, mais aussi par les transformations du capital que nous avons appelées sa « révolution ». Toutefois, pour ce qui nous préoccupe ici, la priorité donnée par Tronti à l’analyse de la démocratie politique n’est pas dépourvue de portée heuristique dans le moment présent.

Rappelons brièvement que les critiques de la démocratie formulées par Tronti pendant plus de quarante ans épousent son parcours politique de marxiste hétérodoxe d’origine vers un marxisme quasiment hérétique. Poussant aux limites l’autonomie de la classe ouvrière, fondée sur l’autonomie du politique et non plus sur la seule base de la lutte contre l’exploitation de sa force de travail dans les rapports de production, il en vient à penser que l’échec de la révolution prolétarienne peut être englobé par « l’État moderne qui apparaît comme rien moins que la forme moderne d’organisation autonome de la classe ouvrière ». Dans cette mesure, les démocraties neutralisent et dépolitisent les individus, car « l’homme-masse démocratique a vaincu » et donc « les catégories du politique ne répondent plus aux commandes de la politique. La machine est sans un sujet qui la guide. L’histoire présente est abandonnée à elle-même. » (Il tempo della politica, 1980). Les démocraties modernes désamorcent les conflictualités politiques, car elles accélèrent l’équivalence des valeurs ; elles contribuent à mettre fin à la politique comme espace et temps de l’histoire qui se fait.

Dans d’autres écrits, Tronti rappelle que, bien plus tôt dans le temps, Tocqueville, ce théoricien de la démocratie, a anticipé l’avenir dépolitisé des démocraties modernes ; puis Max Weber a lui aussi élucidé cette tendance à l’anomie politique dans les démocraties avec l’affrontement entre éthique de conviction et éthique de responsabilité. Ces auteurs n’expriment pas une position « antipolitique » qui indiquerait une opposition directe, une négation simple, que l’on retrouve, par exemple, dans certaines tendances anarchistes. Chez Tocqueville comme chez Tronti, il s’agit de neutralisation de « l’autonomie du politique », d’un effacement des contradictions historiques qui sont affrontées par le biais de la politique1.

Ces dimensions historiques des démocraties trouvent un fort écho au vu de ces dernières élections législatives de l’été 2024 en France. Marquées par le recul notable de l’abstention et, par exemple, un ministre de l’Intérieur dont pourtant « la police tue » si on en croit les slogans des gauchistes, mais qui est réélu avec plus de 60 % des voix à l’aide de celles de gauche.

La référence majeure à un danger fasciste a eu l’effet inverse d’une réaction politique qui aurait contenu un brin de dimension passionnelle et tragique, autre que celle de la peur, avec ce qu’elle implique de prise de risque individuelle et collective. Elle a, à l’inverse, posé les futures conditions d’un consensus social libéral dont même Mélenchon et sa garde rapprochée sont exclus, au même titre que le RN d’ailleurs. Ce qui a donc prévalu, c’est la lutte contre « les extrêmes » pour la formation de blocs gestionnaires composés des « partis de gouvernement », selon la nouvelle formule. Pourtant, et nous l’avons dit d’une autre façon dans notre précédente brochure2, nous sommes à une époque dans laquelle, il n’y a justement plus d’extrêmes, au moins au sens politique3. En prononçant la dissolution et en l’absence prévue de toute grève ou action insurrectionnelle, Macron et quelques conseillers de l’ombre et experts en désamorçage politique ont consacré le déjà célèbre : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard. Pour Patrick Boucheron, dans Libération, le 24 juin, il s’agissait pourtant de l’imminence d’un « événement historique », même si, pas très sûr de lui et pris par la mode des mots qui fonctionnent comme des signes de reconnaissance, à la fin de son article il ne parlera plus que de « bifurcation historique ». La montagne a accouché d’une souris.

2). Les passions et les émotions qui s’exprimaient dans la révolte des Gilets jaunes en 2018 et les manifestations émeutières de l’été 2023, ont produit un tel effroi dans tous les cercles de pouvoir, et bien au-delà dans certaines couches de la population, qu’il a été assez logique qu’une réponse de ces mêmes pouvoirs se fasse jour. Après la répression, cet épisode a conduit à une neutralisation des affects au nom de la responsabilité et du « raisonnable ». De la même façon, mais du côté des électeurs, l’espoir d’un autre monde cédant devant la crainte du pire quel qu’il soit supposé être (le « fascisme », « l’insécurité »), il n’est pas étonnant que tout cela se finisse dans les votes « utiles » et des réflexions assez banales sur l’extrême concentration de pouvoir, le mode de scrutin, la représentativité des élus vu le niveau d’abstention, la réduction de la possibilité de prise de parole aux périodes électorales, et non pas des critiques sur la démocratie représentative elle-même et ce qu’elle suppose de délégation de pouvoir à des professionnels de la politique avec leur cortège de conseillers et experts en tout genre.

Alors même que les Gilets jaunes, souvent méprisés pour leur prétendue inculture politique et leur incapacité à développer des formes de lutte respectueuses des pouvoirs en place, avaient su poser des questions fondamentales comme celle d’une nouvelle Constituante et montrer le désir de pratiques alternatives de vote ou au vote. Or, les candidats des partis ou alliances en présence aux élections législatives, n’en ont pas ou alors peu parlé. Pourtant, parmi eux, il y avait de beaux esprits qui, à une époque pas si lointaine, soutenaient encore l’idée d’une VIe République. Il ne fut plus guère question de démocratie sociale puisque le procès d’individualisation a produit un individu à la fois atomisé et massifié, autant globalisé et déterritorialisé que particularisé. Seule Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, en parle à retardement dans Libération, le 12 juillet, mais en se réclamant de la « société civile », ce qui est un peu osé de la part d’une organisation qui campe littéralement au milieu de tous les cercles de pouvoir, qu’ils soient politiques, étatiques ou patronaux.

Devant ce vide, la politique des identités et les revendications pour des droits de plus en plus nombreux parce que particularisés, forment le nouveau modèle alternatif et postmoderne, devenu dominant, du rapport individus/communautés dans une période où la tension entre ces deux pôles peut être qualifiée de basse température historique, par exemple, par rapport à celle qui prévalait dans les années 1930. Ces forces particularistes rejettent à la marge les questions de conditions de vie au sens large incluant les sous-questions de pouvoir d’achat, de logement, de transports et de territoires4 (pourtant à la base du mouvement des Gilets jaunes et des révoltes de banlieue) et de travail (les dernières luttes sur les retraites ne sont qu’une survivance des luttes sur le travail puisque, hormis dans la fonction publique, elles ne s’appuient que secondairement sur la pratique de la grève5), qui sont celles qui peuvent poser une perspective de synthèse, la question de la totalité et donc du capital en général. Il est vrai qu’à l’époque où médias et personnalités flattent toutes les petites « fiertés » et s’occupent essentiellement de « victimes6 » individuelles et non de protagonistes de luttes sociales collectives, il n’est guère politiquement correct d’exhumer une quelconque « grandeur » combattante ou « l’éternelle noblesse du genre humain » dont parlait Marx, qui pourraient être un élément nécessaire de rupture avec une continuité conduisant à la répétition du même ; et à la barbarisation des rapports sociaux/humains. Ce qui a été vu par certains, dont on peut certes louer l’optimisme révolutionnaire, comme une longue et même séquence de luttes depuis Nuit Debout jusqu’aux émeutes de l’été dernier n’a de fait pas convergé, mais on pouvait aussi s’en douter vu la diversité des protagonistes et formes de lutte, vers ce qui aurait pu être un moment historique. Les pouvoirs en place et les médias ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisqu’ils ont « déconstruit » le terme même de « séquence » dans ce qu’il pouvait connaître d’intensité, pour en faire aujourd’hui une tarte à la crème politique et journalistique où tout devient « séquence », y compris, bien sûr, la séquence électorale.

3). La rupture du fil rouge des luttes de classes a interrompu le récit qui liait passé, présent et devenir. Ce qui est alors convoqué, ce n’est plus un temps historique et son récit, mais des utilisations du passé pour réveiller un imaginaire désincarné que certains cherchent à ressusciter. On le voit en cette toute fin du printemps 2024 quand l’imaginaire du Front populaire de 1936 est brandi au nom d’une similitude de situation qu’on serait bien en peine de démontrer. Il en est d’ailleurs de même avec la référence aux accords de Munich de 1938, censés contenir des éléments de comparaison avec l’agression de la Russie sur l’Ukraine, ou encore quand l’historien Chapoutot, dans Libération, le 10 juillet 2024, compare la possible arrivée de Le Pen-Bardella au pouvoir à celle d’Hitler sous prétexte d’un score assez proche aux élections entre 1932 en Allemagne et 2024 en France.

4). Les rapports de subordination ne sont plus critiqués en tant que tels en premier lieu parce que, nous l’avons déjà dit ailleurs, la question de l’exploitation au travail et la critique du travail (au moins salarié) perd de son importance à l’aune de la perte de « valeur » de ce même travail (la recherche d’un sens au travail ou de reconnaissance au travail est peu propice à l’insubordination, qui nécessite au minimum un pas de côté). Dans le même ordre d’idées, il y a une forte proportion de personnes en dehors de situations de travail (jeunes scolarisés, chômage de longue durée des « seniors », retraités, etc.) qui ne sont plus directement en phase avec cette subordination, mais plutôt avec d’autres formes de subalternisation ou d’invisibilisation comme disent nos postmodernes (faible pouvoir d’achat, isolement et/ou repli sur soi) qui ne portent pas particulièrement vers l’ouverture généreuse et aventureuse, alors que les solidarités de proximité territoriale ou commun mode de vie et culture de classe ont encore fonctionné tant bien que mal jusqu’à la fin des années 1980. En admettant que beaucoup de ces personnes aient mis de l’espoir dans le « Tous ensemble » de 1995, parce que la particularisation de classe s’accompagnait souvent de l’universalisme républicain ou de l’internationalisme prolétarien ; en admettant toujours que certains aient tenté de prolonger cette tendance sous la forme du « Tous Gilets jaunes » de 2018, on peut toutefois penser que nombreux sont ceux qui ne voient plus aujourd’hui d’ensemble et d’homogénéité que dans le retour à la nation dans un mélange d’autoritarisme régalien, d’interventionnisme social et de préférence nationale. Une tendance rendue désuète par la dépendance à l’UE et le développement des formes réseau d’un État qui n’est plus national ni social au sens où on l’entendait pendant les Trente glorieuses.

Mais d’autres incidences interviennent.

– Tout d’abord, ces rapports de subordination sont souvent analysés aujourd’hui à travers le prisme du « genre » et de la « race » puisque, sous l’influence de l’UE, c’est au nom de la lutte contre les discriminations, et non de l’universalisation des conditions par la lutte contre les inégalités, que sont entreprises les réformes et où se développent les lois (ce qui émiette les luttes et rend improbables les convergences). Le résultat en est que tout ce qui concerne et se décide au niveau supérieur (celui de l’hypercapitalisme) se fait en délaissant cette question des inégalités censées être combattues ou/et compensées par la baisse du prix des produits de consommation (le fruit de la mondialisation) et donc l’augmentation indirecte du pouvoir d’achat. Or, ce processus que les libéraux jugent vertueux aussi bien du point de vue de l’offre que de la demande se trouve remis en cause par le retour de l’inflation. Accessoirement l’État dans sa forme réseau met la main à la pâte dans ce domaine, mais au niveau intermédiaire, celui de la gestion territoriale ; il se retranche en effet derrière une position libérale qui laisse aux dirigeants d’entreprise le soin d’affronter la question des inégalités de salaires et des conditions de travail. Tout cela a d’ailleurs une certaine logique. L’État peut, par exemple, imposer la parité des salaires dans la fonction publique, mais il n’a aucun moyen de l’imposer dans le secteur privé.

– Ensuite, l’idée issue du mouvement Occupy Wall Street, selon laquelle les 1 % opprimeraient les 99 % autres, transformant ces derniers en un magma informe, s’est depuis transformée en une idéologie simpliste produisant un anticapitalisme de façade et rassurant, puisque l’unité est déjà là, présente par définition, puisque les 99 % sont vus comme un bloc d’abord opprimé et non pas traversé par ses propres contradictions internes, niveaux hiérarchiques et de pouvoir. C’est aussi la construction de toutes pièces de cette unité de façade des dominés, en l’absence de l’ancien sujet révolutionnaire, qui permet de désigner des cibles (et d’éventuels boucs émissaires plus concrets).

5). Tout ce qui était « de classe » peut bien perdurer en partie, mais vidé de son sens originel. Ainsi, le mépris de classe du personnel politique traditionnel et a fortiori des fameux « membres de la société civile » des équipes ministérielles macronistes, ainsi que celui des « avant-gardes » postmodernes diplômées et contentes de l’être (les nouveaux chiens de garde), s’est substitué au mépris traditionnel de la bourgeoisie et d’un patronat héréditaire, qui a quasiment disparu du fait de la domination des sociétés par actions. Mais en face, la « haine de classe » des opprimés à elle aussi disparu, celle de la « classe vengeresse » des générations d’opprimés battus comme disait Marx, la « rude race païenne » comme disait Tronti (Nous opéraïstes). Tout juste subsiste-t-elle dans certaines composantes émeutières quand celles-ci sont portées largement par ce qu’on peut difficilement appeler un néo-prolétariat ou même un « lumpenprolétariat », tout d’abord parce que le processus d’individualisation ne s’est pas plus arrêté devant la Seine-Saint-Denis que le nuage de Tchernobyl devant la frontière française ; ensuite parce qu’on ne peut dire non plus qu’il soit porteur d’une « conscience » ou d’une perspective « révolutionnaire ».

6). Le retour de la « petite politique » à travers la réémergence des partis et des alliances a finalement nui aussi bien au RN qu’à « l’ensemble » macronien ou encore à l’introuvable parti écologiste. Le score de ces derniers aux élections européennes confirme à la fois l’échec des maires écologistes des grandes métropoles et l’incapacité de ce courant à s’imposer dans les terroirs. Le paradoxe des partis écologistes européens est d’avoir à la fois participé à la liquidation des frontières entre droite et gauche et à la neutralisation de la politique dans la société du capital. En effet et indépendamment de ses tendances politicardes propres, le parti écologiste (EELV) a essayé de poser une question plus large, non pas simplement au niveau des conditions de reproduction des rapports sociaux, mais au niveau de la reproduction de l’espèce et de la sauvegarde de la planète. Mais dans cette mesure, eux aussi ont participé au discours du « tous responsables » et « tous concernés », occultant l’apparent paradoxe qui fait que les plus gros pollueurs se situent parmi les catégories sociales dominantes, alors que les moins polluants parce que les moins consommateurs et pourtant les plus contraints par leur localisation géographique, les besoins afférents (automobiles) et les normes écologiques, se retrouvent dans les catégories les moins aisées.

Les écologistes dans les grandes villes qu’ils « dirigent » sont de parfaits auxiliaires du mouvement de la révolution du capital, avec leur discours sur la « transition » et le laisser-faire de la destruction des centres-villes livrés aux franchisés des grandes surfaces et des marques et à la spéculation immobilière, la justification de l’extension de l’énergie nucléaire forcément d’optique centralisatrice, alors qu’ils bataillent vainement pour se faire entendre dans les provinces et campagnes. Or les habitants des petites villes et des campagnes partagent contre les écologistes la même haine immense qu’ils entretiennent contre Macron et ses start-uppers puisque, pour eux, ils représentent à la fois les ultra-urbains de la grande métropole et les joyeux « établis » des campagnes, qu’ils s’opposent à l’agriculture productiviste ou fassent augmenter les prix de l’immobilier. Les ruraux, sauf peut-être dans le mouvement contre l’aéroport de Nantes, restent de toute façon très circonspects vis-à-vis des actions sur le terrain provenant de l’extérieur, type celle des « Soulèvements de la terre » contre les grandes bassines, qui débordent leurs propres actions directes, voire violentes, mais parfaitement tolérées par les préfectures et la police, puisqu’encadrées par la FNSEA ou la Coordination rurale.

Après ce tour d’horizon sur les faits et les méfaits de cet épisode politique estival, il apparaît que les thèses de Tronti que nous évoquions au début jettent une lueur sombre sur l’hégémonisme que les démocraties, non pas totalitaires, mais se totalisant, font planer sur les individus. À la fin de sa vie, le cofondateur de l’opéraïsme, ex-sénateur du PDS (Partito Democratico della Sinistra), professait un profond pessimisme. Puisque l’autonomie du politique aux mains du mouvement ouvrier révolutionnaire a perdu la bataille et conduit à la démocratie et à l’État, il convient maintenant d’essayer si ce n’est de bloquer du moins de ralentir cette chute vers le gouffre. Penser le politique comme une nécessité vitale pour l’humanité pourrait être une autre voie. Ce qui devient alors primordial pour cette ultime pensée politique de Tronti, c’est de trouver un kathekon7 qui freine la capitalisation du monde. Il cite avec faveur l’exemple de la prédication de Saint Paul puis de l’Église catholique qui ont pu, dans certaines circonstances historiques, avoir une fonction de kathekon face à l’évolution du monde. Depuis Vatican II et la modernisation démocratique de l’Église, il est vain d’attendre un quelconque kathekon du présent mouvement du capital ! Dans leurs formes dites libérales ou illibérales, les démocraties poursuivent, dans la confusion et le chaos, leur œuvre d’effacement des événements qui donnent à l’histoire son relief.

Temps critiques, le 14 juillet 2024

Notes

1 – Notons que nous avons toujours critiqué l’expression du politique en disant que c’est une autonomisation de la politique. Piège dans lequel semble être tombé Tronti puisqu’il ne fait pas cette distinction.

2 – « Été 2024 : Coup de force institutionnel, tumulte politique et réponse parodique », http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article545

3 – La chasse à la petite phrase assassine ou conduisant à être assassiné a alors été menée par tous les partis et les médias pour repérer et dénoncer les invectives proférées de part et d’autre, sans doute jugées indignes du haut niveau de débat prétendument attendu. Certes, il y avait de quoi faire et rien n’a été vraiment inventé, mais la perspective était la même. Du côté des politiques : veiller à ce que pas une tête ne bouge ou ne dépasse, quitte à virer des candidats sous la pression du « quatrième pouvoir » et des réseaux sociaux ; du côté des médias, jouer l’équilibre entre faire le buzz pour l’audience médiatique et diriger l’information dans un sens politique qui conduise à la stigmatisation de la parole jugée insoutenable (l’antisémitisme d’extrême gauche) ou illégitime (BFM-TV débusquant certains candidats du RN, visiblement peu préparés et fort embarrassés pour en faire des objets de moquerie).

4 – Des thèmes parfois abandonnés à l’extrême droite, celle-ci se chargeant de les accommoder à sa sauce « nationale ».

5 – Le mode de la grève reconductible est un instant apparu comme une alternative à la grève rituelle des syndicats, mais sa pratique a fait long feu, d’une part parce qu’elle s’est aussi transformée en une recette ou un rituel en dehors de tout rapport de forces et, d’autre part, parce que ce rapport de forces est devenu plus défavorable encore. De nouvelle pratique collective, elle est progressivement devenue pratique minoritaire, mais couverte par certains syndicats grâce à une nouvelle façon d’annoncer les préavis de grève courant sur une longue période, ce qui fait que n’importe quel individu ou petit groupe peut prendre l’initiative de la reconduction, à condition de veiller à sa médiatisation.

6 – Le concept d’humanité souffrante et ses dimensions religieuses, semble avoir évincé celui de commune humanité et ses implications communistes (au sens large). Or les implications pratiques et politiques qui découlent de chaque perspective ne sont pas les mêmes. Le comportement compassionnel par rapport aux « pauvres » ne nous dit rien quant à leur comportement vis-à-vis du rapport social capitaliste.

7 – Concept créé par les philosophes stoïciens signifiant une action appropriée ; une action qui convient à la destinée de l’homme, qui est de vivre en accord avec la nature. Repris et développé par la théologie chrétienne, il désigne alors « ce qui retient » ou « celui qui retient ».