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Ni patrie ni frontières
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Hommage à Michel Olivier, alias Michel Roger
Article mis en ligne le 17 juillet 2024

Sur la trentaine de livres édités par Ni patrie ni frontières depuis 2008, au moins six ont été édités grâce au travail de Michel entre 2012 et 2023, soit qu’il ait écrit en totalité ces ouvrages (c’est le cas de deux d’entre eux), soit qu’il ait insisté pour que nous les publions et rédigé d’importantes préfaces pour en expliquer l’intérêt et l’actualité.

Les ouvrages publiés à son initiative reflètent son souci de faire connaître aux jeunes générations l’apport des Gauches communistes (1) , ce que les journalistes appellent « l’ultragauche », c’est-à-dire les combats politiques et théoriques d’un certain nombre de petits groupes antistaliniens (mais pas trotskystes) dans l’entre-deux-guerres et durant la seconde guerre mondiale, pour ce qui concerne les six livres que nous avons publiés ensemble.

C’est le cas de
  L’enfer continue, Histoire de la Gauche communiste de France (1944-1952) ;
 Les années terribles (La Gauche communiste italienne dans l’émigration, 1926-1945) ;
 Envers et contre tout (Des oppositionnels de gauche jusqu’à l’Union communiste, 1924-1939)
et Du socialisme ottoman au communisme de gauche. Brochure du groupe turc Entemasyonlist Komünist Sol. L’internationalisme et la question nationale.

On peut aussi ranger dans la catégorie « Gauche communiste » l’ouvrage de Christian Riechers, Gramsci et le marxisme italien, traduit par Jean-Pierre Laffite et pour lequel il rédigea une préface.

Et il ne faut pas oublier le recueil d’articles L’anarchisme d’État et la commune de Barcelone (mai 1937) qui, s’il ne contient pas de textes de la Gauche communiste a permis de faire redécouvrir un rapport particulièrement cynique d’un dirigeant de l’AIT (Helmut Rüdiger) et d’autres textes rédigés au moment de la Révolution espagnole (Hugo Oehler) ou à son propos (Agustin Guillamon).

Ce travail éditorial ne reflétait qu’une partie du travail militant de Michel, mais je n’évoquerai que ce que je connais (2).

Dans l’édition de ces livres, Michel apportait un grand soin au contenu, bien sûr, mais aussi aux détails : des illustrations aux cartes en passant par les diagrammes concernant les multiples tendances que ces ouvrages évoquaient et des notes abondantes mais synthétiques.

Ce qui l’intéressait ce n’était pas de se mettre en avant, de se faire connaître (les premières années, il se présenta sous un pseudonyme, puis il se résolut à utiliser son nom), mais de contribuer à ce que des traditions révolutionnaires oubliées soient redécouvertes et ceci en puisant dans nos faibles moyens financiers et nos réseaux de diffusion uniquement militants.

Et il ne se contentait pas de travailler chez lui avec son ordinateur et ses livres, il mouillait sa chemise pour présenter ces différents livres à différents publics dans diverses villes chaque fois qu’il en avait l’occasion.

Michel restait fidèle aux véritables principes communistes, ceux que la gauche et l’extrême gauche ont oubliés depuis des décennies. Il souhaitait résister à toutes les modes qui ravagent les milieux « contestataires », "libertaires" ou « alternatifs » (en témoignent notamment sa volonté de publier le livre de Riechers sur Gramsci, mais aussi son désir de faire connaître le rapport de Rüdiger qui montre parfaitement ce qui se passa, en 1936 en Espagne, quand la gauche et les anarchistes étaient au pouvoir et prétendaient lutter contre le fascisme en gérant l’Etat bourgeois).

Nous n’étions pas toujours d’accord sur toutes les questions, loin de là, mais Michel tenait toujours à écouter les arguments de ses interlocuteurs sans sectarisme, sans morgue et sans mépris. Des qualités humaines rares qui jointes à son souci de précision, de pédagogie, à ses connaissances historiques et son sens de l’humour font qu’il va terriblement me manquer.

Toutes mes pensées vont à sa compagne et à sa famille !

Yves Coleman, 17 juillet 2024

1. Ce terme désigne les oppositions de gauche, non trotskystes, au sein de la Troisième Internationale puis en dehors du Komintern à partir des années 1920. On les divise généralement en deux catégories : Gauche italienne (Bordiga), et Gauche germano-hollandaise (Korsch, Mattick, Pannekoek). De nombreux textes de ces auteurs sont disponibles sur le Net, puisqu’ils ne sont plus à la mode comme dans l’après 68 et n’intéressent plus les éditeurs.

2. Cf. le communiqué de ses camarades : https://www.leftcom.org/fr/articles/2024-07-16/en-m%C3%A9moire-de-notre-camarade-olivier