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Ni patrie ni frontières
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Daniel Randall La lutte contre l’antisémitisme fait partie de la lutte pour une libération totale (2021)
Article mis en ligne le 13 janvier 2024

(Cette interview de Daniel Randall par Shane Burley a été réalisée le 28 septembre 2021)

Parfois nous nous éloignons tellement de notre objectif qu’il nous faut revenir aux fondamentaux. Au cours des deux dernières décennies, les organisations conservatrices ont régulièrement accusé des militants de gauche d’être antisémites ; ces accusations étaient généralement liées à des discours problématiques sur Israël ou à des théories du complot, et elles n’ont guère forcé la gauche à analyser sérieusement la question. Dans la plupart des cas, la gauche libérale ( ) n’arrive pas à comprendre réellement les problèmes d’oppression : la violence policière est réduite à quelques éléments nocifs dans les forces de l’ordre ; l’ »impérialisme de frontières ( ) » est combattu par des appels à l’« inclusion » ; le patriarcat est contré par le « féminisme des PDG ». La gauche radicale invoque la nécessité de s’attaquer davantage aux « véritables racines » des problèmes, ou, du moins en théorie, elle essaie de cibler le cœur d’une question et refuse de laisser des réponses faciles déterminer ses orientations.
Mais lorsqu’il s’agit d’antisémitisme, la gauche radicale est de plus en plus incapable d’étudier ce problème clairement et en profondeur. La violence croissante à laquelle sont confrontées les communautés juives est étouffée par les accusations fallacieuses des défenseurs d’Israël, et la gauche radicale continue d’être mal équipée pour relever ce défi de façon sincère et efficace.
C’est pourquoi de nouvelles réflexions sont en train de se développer, alors que des auteurs, des militants et des universitaires s’attaquent frontalement à la question, et le font au sein même de la gauche. Il y a près de quarante ans, durant la guerre israélo-libanaise de 1982, le militant socialiste britannique Steve Cohen a écrit une analyse polémique bien documentée sur les tendances antisémites dans la gauche à laquelle il appartenait. That’s Funny, You Don’t Look Antisemitic ( ) [C’est bizarre, vous n’avez pas l’air antisémite] est devenu l’ouvrage classique sur le sujet ; récemment réimprimé, ce petit livre nous décrit comment, depuis plus d’un siècle, la gauche tente maladroitement de prendre en compte les Juifs.
Après la crise à propos de l’antisémitisme au sein du Parti travailliste, qui a partiellement contribué à ce que Corbyn et l’aile gauche du Labour perdent les élections en 2019, on a pu lire une série d’analyses post mortem pour diagnostiquer les raisons de cet échec. La majeure partie de la gauche a décidé de surenchérir, en répétant sans cesse que « le Labour n’a commis aucune faute » et en refusant de répondre aux milliers de voix juives qui affirmaient que quelque chose était peut-être pourri dans leur parti. C’est dans ce climat que Daniel Randall a écrit une sorte de suite à That’s Funny You Don’t Look Antisemitic, intitulée Confronting Antisemitism on the Left : Arguments for Socialists (Affronter l’antisémitisme à gauche : arguments pour des militants socialistes) un livre qui s’attaque à sa propre mouvance politique et la met au défi d’affronter l’antisémitisme avec la même vigueur que les autres luttes contre l’oppression.
J’ai parlé avec Randall de son livre, de l’héritage de « l’antisémitisme à gauche », de la façon dont les campagnes de la droite ont semé le doute, et de ce que la gauche peut faire pour reprendre sérieusement ce combat.
Shane Burley