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Gilbert Achcar et « l’intégrisme islamique » (2007)
Article mis en ligne le 17 décembre 2023

Cet article analyse les « Onze thèses sur l’intégrisme islamique » publiées en 1981 dans la revue Quatrième Internationale, puis republiées à différentes reprises par l’auteur ou ses camarades*.

La forme des thèses donne toujours un côté schématique à l’expression d’une pensée par ailleurs plus nuancée ou « dialectique ». Néanmoins il nous semble que ce texte très dense permet de poser quelques questions à propos de la nature de l’intégrisme islamique et de la façon de lutter contre lui.

L’islam est une « religion politique » d’après Gilbert Achcar

Avant d’aborder la nature de l’islam politique, notons que Gilbert Achcar pose une hypothèse qui semble particulièrement contraignante pour une activité révolutionnaire dans les sociétés du Moyen-Orient, dites arabo-islamiques, puisque selon lui : « l’islam, en fait, est inséparable de [la politique], étant lui-même religion politique, au sens étymologique du terme ». Si elle est exacte, cette affirmation pose un problème capital à des révolutionnaires. Comme l’écrit Achcar, « la revendication de la séparation de la religion et de l’Etat est plus que laïciste, en pays musulman, elle est franchement antireligieuse (1) ». Face à cette difficulté, « les révolutionnaires doivent s’armer de prudence tactique dans leur combat contre [l’intégrisme islamique] ».

Jusqu’où doit aller cette « prudence tactique » ? L’auteur ne nous le précise pas, mais ses onze thèses se concluent par ces mots : « les communistes révolutionnaires doivent néanmoins se prononcer pour la laïcisation de la société, élément rudimentaire du programme démocratique. Ils peuvent mettre une sourdine à leur athéisme, jamais à leur laïcisme, à moins de remplacer carrément Marx par Mahomet ».

Même si nous préférons le terme de laïcité à celui de « laïcisme », la conclusion des « Onze thèses » met le doigt sur un problème récurrent chez les marxistes : quelle est l’importance de l’athéisme ?

Il est en réalité impossible de « mettre une sourdine » à l’athéisme révolutionnaire (position qu’ont préconisée des marxistes aussi divers que Rosa Luxembourg, Lénine ou… Bordiga) sans que cela ait aussitôt des conséquences sur la place de la religion dans la vie politique et sociale.

Les Partis communistes-ouvriers d’Iran et d’Irak ont choisi (du moins d’après leur programme et leurs textes publiés en anglais) de mener une lutte frontale contre la religion, puisqu’ils vont jusqu’à assimiler (ce qui est une erreur) l’éducation religieuse à la « maltraitance » et considèrent qu’il faut donc poursuivre les parents qui donnent une éducation religieuse à leurs enfants avant seize ans, âge de la majorité légale selon eux. Même si cette position est absurde, voire suicidaire, elle montre en tout cas qu’au sein de l’Irak et de l’Iran il existe au moins UNE tendance du mouvement ouvrier qui a choisi de prendre de front le problème de l’islam, « religion politique ». Cela mérite au moins réflexion.

D’autant plus qu’Achcar lui-même souligne dans ses thèses « qu’aucun des grands courants du nationalisme bourgeois et petit bourgeois en terre d’Islam, à l’exception du kémalisme en Turquie, ne s’est prononcé pour la laïcité », que « les classes démocratiques [comprendre les classes moyennes, Y.C.] des sociétés musulmanes n’ont eu, dans l’ensemble, aucun intérêt, ou presque, à combattre leur propre religion », puisque l’islam est apparu comme un « élément fondamental de l’unité nationale bafouée par l’oppresseur étranger chrétien (voire athée) ».

Il y a donc bien là un terrain sur lequel les révolutionnaires peuvent faire la différence avec les courants nationalistes bourgeois et petits bourgeois. Mais peut-être les trotskystes recherchent-ils leur alliance… ?

« Mise en sourdine » de l’athéisme et offensive politique de l’islamisme en Occident

Ce problème de la propagande athée, matérialiste, mais aussi du combat pour les libertés démocratiques qui lui est liée, ne concerne pas seulement les sociétés arabo-islamiques, il touche aussi la France. Quand Houria Bouteldja affirme sur France 2/FR3, le mardi 13 février, qu’elle ne défend pas les musulmans en tant que pratiquants d’une religion particulière (l’islam), mais en tant qu’individus « blessés » dans leur personne et leurs convictions par les caricatures de Charlie Hebdo, elle dissimule le fait que les organisations (l’UOIF et la Ligue islamique mondiale) qui prétendent défendre les « individus blessés » en question veulent imposer la charia aux « musulmans » vivant en Europe.

Quels sont les objectifs du Conseil européen de la fatwa soutenu par l’UOIF ? « Emettre des fatwas collectives qui répondent aux besoins des musulmans en Europe, qui résolvent leurs problèmes, conformément aux règles et aux objectifs de la charia ; publier des études et des recherches juridiques qui résolvent les problèmes qui se présentent aux musulmans en Europe, d’une manière qui rejoigne les objectifs de la charia et les intérêts des musulmans ; guider les musulmans en Europe en général et ceux qui travaillent pour l’Islam en particulier, en propageant des concepts islamiques corrects et des fatwas juridiques tranchantes ».

Quant à la Ligue islamique mondiale, cette « ONG » a été créée en 1962 par le roi Fayçal pour contrebalancer la Ligue arabe jugée trop favorable au nassérisme et au nationalisme arabe. Son secrétaire général, Abdullah bin Abdul Mohsen al-Turki, est un prince de la famille royale saoudienne qui fut ministre des Affaires religieuses dans son pays. La LIM finance la formation d’imams, de mosquées et distribue gratuitement des exemplaires du Coran. Jusque-là rien d’inhabituel mais on ne voit pas en quoi il s’agit du travail d’une ONG : on a affaire à une officine de propagande religieuse au service de la théocratie saoudienne et des interprétations les plus réactionnaires de l’islam. Mais la LIM a aussi un rôle politico-diplomatique : de Djibouti à la Bosnie et à la Tchétchénie en passant par l’Afghanistan et la Chine, la Ligue est un outil diplomatique de la dynastie des Séoud. La LIM, tout comme l’UOIF, est favorable à l’application de la charia en France – du moins dans la « communauté musulmane » – même si elle affirme officiellement « respecter les lois » européennes, ne pas « s’ingérer dans les affaires intérieures » des autres Etats, et donc en principe « respecter » la laïcité. Néanmoins, ce n’est certainement pas un hasard si au procès de Charlie Hebdo on a pu voir le père Lelong, partisan d’une prétendue « laïcité ouverte », voler au secours des intégristes musulmans. On sait ce qui se cache derrière le concept de « laïcité ouverte »…

Face à de tels adversaires puissants et déterminés, comment des révolutionnaires pourraient-ils lutter contre l’imposition d’une juridiction spécifique (des tribunaux civils inspirés par le fiqh, la jurisprudence et la théorie juridique islamiques, comme l’ont réclamé les intégristes au Canada) à des croyants (ici musulmans, mais cela est valable pour n’importe quelle religion ou secte religieuse), sans avoir recours aux arguments solides que peuvent leur fournir le rationalisme et le matérialisme scientifiques ?

Que l’on milite à Bagdad, à Kaboul, à Beyrouth ou à Téhéran, il n’y a donc aucune raison principielle de « mettre en sourdine » l’athéisme, comme le préconise Gilbert Achcar aujourd’hui au Moyen-Orient. Cela dit, on peut parfaitement comprendre que, pour éviter la pendaison ou la prison dans des régimes dictatoriaux, des militants se montrent prudents dans leur expression publique. Mais il s’agit là d’un tout autre problème que celui soulevé dans les thèses.

Si les matérialistes et les rationalistes du XVIIIe et du XIXe siècles avaient raisonné comme Gilbert Achcar dans une Europe dominée à l’époque par le christianisme, des religions d’Etat et des lois punissant le blasphème et toute critique de l’Eglise, ses livres seraient aujourd’hui interdits et – au mieux – il moisirait dans un cachot.

Utopie réactionnaire petite bourgeoise ou solution bourgeoise ?

Dans ses « onze thèses » Achcar tente également de définir la nature de classe des mouvements islamistes. L’auteur nous prévient qu’on ne peut mettre tous ces mouvements dans le même sac, et qu’il faut tenir compte des différentes entre les réalités nationales. À cette fin, il évoque donc, de façon succincte mais semble-t-il assez pertinente, ce qui différencie l’intégrisme islamique en Turquie, en Iran, en Egypte et en Syrie.

Selon Achcar, il serait « aberrant, voire absurde, de qualifier les mouvements intégristes islamiques de bourgeois » ; leur « base de masse » serait composée essentiellement de « petits fabricants, détaillants, artisans et paysans » et ils attireraient quelques « fractions du prolétariat, celles dont la prolétarisation est la plus récente, et surtout des fractions du sous-prolétariat, celles qui ont été déchues par le capitalisme de leur position petite-bourgeoise antérieure ».

L’intégrisme ne serait qu’une « utopie réactionnaire » petite bourgeoise créée par les « intellectuels traditionnels des sociétés musulmanes » et par les « échelons les plus bas des intellectuels organiques de la bourgeoisie ». Pourtant, dans le même texte, Achcar nous explique qu’en « période de montée, l’intégrisme islamique recrute largement dans les universités et autres centres de production des intellectuels ».

Si l’islam politique conquiert les cœurs des intellectuels organiques de la bourgeoisie, pourquoi serait-il « aberrant, voire absurde » de qualifier ces mouvements de bourgeois ? Mystère…

Cette volonté de présenter le courant islamiste comme une force hésitante, instable, sans fonction historique précise, nous paraît éminemment suspecte. On a l’impression que l’auteur reprend ici un vieux thème de l’orthodoxie marxiste selon lequel la petite bourgeoisie serait une classe vacillant éternellement entre prolétariat et bourgeoisie, thème qui a permis toutes sortes d’interprétations opportunistes.

De plus, il écrit que « les classes moyennes sont avant tout la base sociale de la révolution démocratique et de la lutte nationale ». On n’a pas beaucoup vu de « révolutions démocratiques » au XXe siècle – sauf dans les pays est ou sud-européens qui avaient déjà connu la démocratie bourgeoise avant de subir une dictature militaire ou fasciste, ou l’occupation soviétique.

Par contre on a assisté à beaucoup de « luttes nationales » qui ont abouti, généralement avec la collaboration des partis staliniens mais parfois contre eux comme à Cuba, à des régimes capitalistes d’Etat dont la première tâche a été d’écraser ou de mettre au pas les syndicats locaux, et de faire marner les ouvriers pendant des décennies pour assurer l’accumulation primitive du capital.

Gilbert Achcar s’engage sur un terrain glissant lorsqu’il mise sur la versatilité de la petite bourgeoisie, ou sur son potentiel progressiste, car c’est justement en raison de ce vacillement, de cette indétermination éternelle, qu’une partie des trotskystes (ceux du SWP britannique en tête), mais aussi les staliniens du « tiers monde » rêvent de voir les « petits bourgeois » islamistes basculer dans le camp des « progressistes » ou des révolutionnaires.

La « haine des représentants du grand capital » que peut éprouver la petite bourgeoisie islamiste n’est pas fondée sur la conception d’une société sans salariat, sans argent et sans hiérarchie, sur la vision d’une société que l’on appellera ici, faute de mieux, communiste au sens de Marx. Il ne s’agit que de la haine pour des concurrents plus chanceux dont elle aimerait bien occuper la place.

Comme l’écrit Achcar lui-même, les classes moyennes sont d’abord et avant tout la « base sociale, par excellence, du bonapartisme de la bourgeoisie ascendante » et la « majorité silencieuse de l’ordre bourgeois ». Et le fait qu’elles puissent aussi être un « réservoir redoutable de forces d’opposition au pouvoir établi » en cas de crise ne doit pas nous leurrer sur leur capacité à vouloir supprimer le règne du capital. Achcar se fait des illusions lorsqu’il prétend qu’un mouvement révolutionnaire pourrait « reprendre à son compte les aspirations des classes moyennes », « gagner sa confiance », les « rallier à sa lutte », etc. En politique, ce qui compte ce sont les rapports de forces : les prolétaires et les sans ressources doivent imposer leur vision du monde et leurs intérêts de classe aux petits bourgeois, et cela ne peut se faire sans de gros sacrifices pour ces « classes moyennes ».

Quant à la présence de prolétaires et de sous-prolétaires dans les partis islamistes, elle ne rend nullement ces partis moins bourgeois et moins contre-révolutionnaires.

Dans le système capitaliste, tout parti de masse qui critique certains aspects du capitalisme regroupe des éléments des différentes classes exploitées, qu’il s’agisse des partis sociaux-démocrates ou staliniens, mais aussi nazis, fascistes ou fascisants ainsi que des courants nationaux-populistes comme le péronisme, le varguisme, le chavisme ou le sandinisme. (En Amérique latine, ces derniers ont tous adopté des mesures de nationalisation partielle et des lois sociales en faveur des travailleurs, pour redistribuer quelques miettes à leur base sociale, et ont su aussi les mobiliser de façon « extraparlementaire » dans des organisations apparemment indépendantes de l’Etat bourgeois.)

La composition sociale majoritairement « petite bourgeoise » des partis dits « intégristes », « islamistes » ou « fondamentalistes » ne nous paraît pas d’un grand secours pour nous éclairer sur leur fonction politique réactionnaire – ou prétendument « progressiste »– ni pour réfléchir à la nécessité d’alliances avec eux. Car c’est ce dernier point qui pose problème quand Achcar émet l’hypothèse qu’il faudrait « frapp[er] ensemble contre l’ennemi commun ».

En ce qui concerne leur programme politico-religieux il ne fait guère de doute que les théocrates musulmans n’ont aucune intention de supprimer le capitalisme et le salariat, ni de liquider l’État ; s’ils usent d’une rhétorique « anti-impérialiste », rien ne les prémunit contre une alliance avec tel ou tel impérialisme « étranger », dans la mesure où ils partent de la défense des intérêts bien compris de la bourgeoisie et des sommets de la bureaucratie dans le cadre national ; enfin, leur volonté d’appliquer la sharia est radicalement contradictoire avec l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, comme avec les libertés d’organisation et d’expression démocratiques les plus élémentaires (2). Qui va-t-on « frapper ensemble » avec ces réacs-là ? ?

En ce qui concerne les compromis et les concessions que les mouvements islamistes sont obligés de faire, dans l’opposition ou au pouvoir, ils ne sont pas les mêmes selon que l’on parle de l’Afghanistan, de la Turquie, de l’Algérie ou du Liban. C’est pourquoi il est très dangereux, comme le fait Gilbert Achcar, de comparer leur degré de nocivité pays par pays, comme si cette nocivité dépendait seulement de la bonne volonté de ces courants et non de la résistance des sociétés, des individus (notamment les femmes) et des forces démocratiques ou ouvrières à leur projet totalitaire.

Qu’ils soient dans l’opposition ou au pouvoir, l’essentiel est de garder toujours à l’esprit ce qu’Achcar lui-même affirme clairement : « L’intégrisme islamique est un des ennemis les plus dangereux du prolétariat révolutionnaire » ; « il est une “cinquième colonne” idéale au sein du mouvement des masses », « un “anticorps” particulièrement efficace contre la gauche ».

Tant que l’on ne perd pas cette boussole, on peut disserter, ou polémiquer, sans grand danger sur les différences entre les pays où « le mouvement intégriste s’est avéré n’être qu’une force d’appoint de la bourgeoisie réactionnaire » (Syrie, Egypte, Pakistan) ; et ceux, comme l’Iran, où il aurait été « l’unique fer de lance des deux tâches immédiates de la révolution démocratique nationale : le renversement du Shah et la rupture des liens avec l’impérialisme américain » et où il aurait réussi à établir un « pouvoir intégriste petit-bourgeois autonome ».

Mais à condition de n’avoir aucune illusion sur le rôle de ces courants. À condition de ne pas croire en la « portée progressiste, nationale et/ou démocratique objective de certaines des luttes que mènent les divers courants de l’intégrisme islamique », comme l’écrit Achcar. Car, à partir du moment où l’on oppose le côté « objectivement positif » au côté « subjectivement négatif » d’un mouvement politique, on se met à rêver à la « transcroissance » des courants islamistes (3) en des organisations « progressistes » sous la poussée des masses, fantasme récurrent auquel la Quatrième Internationale nous a malheureusement habitués depuis plus d’un demi-siècle.

Yves Coleman, Ni patrie ni frontières, (mai 2007)

NOTES

* Le texte de Gilbert Achcar se trouve ici : http://www.inprecor.fr/article-Onze-th%C3%A8ses-sur-la-r%C3%A9surgence-actuelle-de-l%27int%C3%A9grisme-islamique- ?id=137.

1. Signalons, au sujet des rapports entre religion et politique, la position d’Abdallah Laroui dans son essai « Islam et Etat » (in Islam et modernité, La découverte, 1986). Renvoyant dos à dos les interprétations « orientalistes » (qui considèrent les pays d’islam culturellement incapables d’accéder à la démocratie et à la laïcité) et les interprétations salafistes (qui jugent que l’islam n’a pas besoin de la démocratie et de la laïcité occidentales), Laroui écrit :

« [...] chacun dit : l’islam est à la fois religion et Etat. (…) si on appelle religion la lettre de la sharia, l’affirmation est juste, mais alors elle est loin d’exprimer un idéal islamique » puisque, selon l’auteur, une « cité vertueuse » travaillerait à la « disparition de l’Etat » et n’exigerait pas d’« organisation coercitive ». « Si, en revanche, on entend par religion l’idéal éthique de l’islam, elle est manifestement fausse puisque cet idéal n’a été à aucun moment et nulle part réalisé [...]. Les orientalistes disent couramment que l’islam est une théocratie sans préciser s’ils parlent d’une réalité ou d’une utopie. Les auteurs salafistes (le salafisme est l’interprétation apologétique du credo islamique face à la critique européenne et à la décadence culturelle des musulmans ; interprétation qui ne concorde pas nécessairement avec le sens immédiat de l’orthodoxie des siècles passés) s’expriment différemment tout en se rendant coupables de la même confusion. [...] L’Etat qui a été édifié en terre d’islam peut être une théocratie mais fondée sur autre chose que le Message prophétique ; celui-ci peut viser une théocratie (une cité de Dieu) mais bien différente de celle qui a été effectivement réalisée. [...] l’Etat, tel qu’il s’est développé en terre d’islam est demeuré celui de la force et de la domination tout en faisant de la sharia sa loi spécifique ; tout en étant tyrannique, il n’est pas donc pas théocratique véritablement, comme le pensent les orientalistes, et il est bien différent de la dawla qu’imaginent les salafistes ».

2. Un reportage sur RFI le mardi 20 janvier 2007 expliquait que la moitié des femmes nigérianes se mariaient avant 15 ans et que 95 % des femmes ne prenaient pas de moyens contraceptifs dans ce pays où l’on applique la charia. Et qu’affirmait la militante locale d’une ONG à propos de la contraception ? Qu’il ne fallait surtout pas en faire un « problème uniquement féminin » mais un « problème de couple » et « convaincre les hommes » ! On voit bien ici le rôle réactionnaire et patriarcal de la religion : d’une part, elle pousse même une militante « féministe » à ne concevoir les rapports sexuels que dans le cadre d’un couple (sous-entendu marié), ce qui est totalement irréaliste et injuste pour les femmes ; d’autre part, elle se fixe comme objectif la tâche éminemment difficile de gagner l’assentiment des hommes (dans les pays capitalistes de vieille tradition démocratique, les féministes n’y sont pour le moment pas encore arrivées au bout de plus d’un siècle de luttes), alors qu’il s’agirait plutôt de soutenir la volonté des femmes africaines de disposer de leur propre corps. Après tout, ce sont elles qui porteront le bébé neuf mois dans leur ventre, et qui l’allaiteront au moins pendant deux ans, pas le géniteur ! Le soutien des hommes (soyons réalistes, de certains hommes) est un plus, pas une condition sine qua non de la libération des femmes.

3. Achcar n’utilise pas ce terme mais il fait partie du lexique trotskyste et a servi à justifier le soutien acritique de ce courant à de nombreux mouvements de libération nationale ou partis dits « anti-impérialistes » dans l’espoir d’une miraculeuse transformation. Il suffit de lire les articles des trotskystes sur le régime de Chavez pour constater que cette illusion n’est pas morte.