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Qui vote pour le Parti pour la liberté (PVV) ? (2009)
Article mis en ligne le 27 novembre 2023
dernière modification le 29 novembre 2023

Si l’on veut critiquer efficacement le PVV ( Partij van de Vrijheid, Parti pour la liberté) de Geert Wilders, il est important de bien comprendre qui sont ses sympathisants. Il n’attire pas seulement des « autochtonen » (des autochtones) issus des classes populaires ayant un faible niveau d’études, mais aussi des entrepreneurs et des universitaires « bien éduqués ». Les partisans du Parti pour la liberté sont beaucoup plus diversifiés qu’on ne le pense.

Les médias et les cercles de gauche supposent souvent que les partisans du PVV sont des « autochtones » en colère, « peu éduqués », qui viennent principalement des quartiers défavorisés des grandes villes et qui prétendent être menacés par « les musulmans » de leur quartier. Il s’agirait des mêmes électeurs stupides et racistes qui, par le passé, ont voté pour Pim Fortuyn (1) et qui, aujourd’hui, voteraient pour Geert Wilders.
Le racisme est effectivement présent dans les classes populaires blanches, mais il n’en va pas autrement dans les autres couches de la société. Il doit être combattu partout. La lutte contre le racisme doit aller de pair avec la prise au sérieux des problèmes des classes populaires « autochtones », tels que la pauvreté, le chômage, les mauvaises conditions de logement et la détérioration des institutions de la santé et de l’éducation.
Par rapport aux partisans de la LPF (la Liste Pim Fortuyn), ceux du Parti pour la liberté (PVV) proviennent, dès le départ, de milieux plus variés. Wilders sait comment s’adresser aux personnes ayant des niveaux d’études très différents, aux pauvres comme aux riches, aux ouvriers comme aux patrons. C’est ce que prouvent des études récentes menées par le journal Het Parool (2) et le service de recherche et de statistique de la municipalité d’Amsterdam. Le Parti pour la liberté peut compter sur un soutien de plus en plus important dans la capitale néerlandaise, traditionnellement connue comme une ville de « gauche ». De plus en plus de citoyens « bien éduqués » choisissent le PVV. Selon les études, le parti aurait attiré 7 % des électeurs d’Amsterdam en mai 2009. En février de la même année, ce chiffre n’était que de 3%. (…)

Déserteurs

L’augmentation du nombre de sympathisants du PVV « bien éduqués » est due à la position politique de Wilders qui, d’une part, se déchaîne contre l’islam et, d’autre part, se fait le champion de la « liberté d’expression ». Cette position s’est avérée fructueuse. En 2004, Wouter Bos, le chef du PvdA, le Parti du travail (3), avait déjà mis en garde contre la montée de Wilders, qui constituait une menace pour la position des sociaux-démocrates. Bos craignait que, à Amsterdam, un bastion du Parti du travail, ses partisans se tournent vers le Parti pour la liberté. Pour satisfaire les éventuels déserteurs, il avait affirmé que le PvdA défendait une position trop molle dans le débat sur le multiculturalisme. En 2009, le Parti du travail a viré encore plus à droite pour défier le PVV. Pourtant, la popularité du PvdA n’a jamais été aussi basse dans les sondages.

Tim de Beer, de l’institut de sondage TNS NIPO, constate une nette évolution du soutien à Wilders. À la fin de l’année 2004, les sondages donnaient au parti environ 20 sièges au Parlement. Lors des élections législatives de 2006, il en a obtenu 9. Ce déclin était en partie dû au fait que de nombreux électeurs « bien éduqués » avaient d’abord indiqué qu’ils soutiendraient le Parti pour la liberté (PVV), mais votèrent finalement pour d’autres partis. Les électeurs du PVV en 2006 étaient comparables à ceux de la Liste Pim Fortuyn en 2002 : ayant un niveau d’éducation variant de faible à moyen, ils étaient issus des classes populaires. Le nombre d’électeurs ayant fait des études supérieures était d’environ 9 %. Aujourd’hui, ce chiffre est passé à 13 % et, avec les nouveaux électeurs, à 16 %. Beaucoup d’entre eux avaient voté pour Rita Verdonk (4), la dirigeante de Trots op Nederland (TON), mais ils ont maintenant choisi Wilders, probablement en raison des turbulences au sein de TON.

La campagne de diffamation de Wilders contre l’islam lui a donné de la publicité dans le monde entier. Son racisme à l’égard de toutes les choses et de toutes les personnes qui sont liées à l’islam lui a valu beaucoup de sympathie. Le parti est cependant considéré par beaucoup de gens comme un parti à objectif unique, une organisation politique qui n’accorde que peu d’attention à d’autres sujets que l’islam. Cela signifie qu’il n’a séduit qu’une partie limitée des électeurs.

Cependant, en se plaçant au centre du débat sur la liberté d’expression, Wilders a réussi à en attirer un plus grand nombre. Avec son programme raciste et nationaliste, il est en mesure de séduire la classe moyenne plus éduquée et plus prospère. Dans l’atmosphère suffocante créée par la droite durant ces dix dernières années, on entend constamment affirmer que le « citoyen moyen » n’est pas autorisé à dire ce qu’il pense. Par exemple, il ne pourrait pas critiquer la société multiculturelle. Cela serait dû à la « gauche politiquement correcte » qui, depuis les « terribles » années 1980, « terroriserait » les Pays-Bas avec son antiracisme et ses « dadas de gauche » comme la société multiculturelle, l’aide financière aux pays en voie de développement et la sécurité sociale. La liberté d’expression prônée par les populistes de droite est une arme redoutable contre l’antiracisme et la gauche. Pim Fortuyn l’a utilisée, Wilders l’a perfectionnée.

Cols blancs

Qui sont ces Néerlandais « bien éduqués » et prospères qui se sentent attirés par le populisme de droite de Wilders ? Le Volkskrant (5) a enquêté sur les personnes qui ont envoyé des menaces à l’avocat Gerard Spong, après que ce dernier eut entamé une action en justice contre Wilders en raison de ses déclarations racistes. Ce journal, malgré son orientation de plus en plus droitière, a eu beaucoup de mal à convaincre ces personnes de participer à l’enquête. En effet, ils se méfiaient beaucoup du Volkskrant parce que, à leurs yeux, ce serait un « journal de gauche et politiquement correct  ».

L’enquête montre que les personnes qui ont envoyé des menaces reflètent les positions des partisans du Parti pour la liberté (PVV). Il s’agit de personnes issues de quartiers défavorisés, mais aussi d’entrepreneurs, d’universitaires, d’anciens électeurs du Parti du travail (PvdA) et du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), d’athées et d’une nouvelle catégorie d’électeurs du Parti pour la liberté, les « adeptes de la liberté d’expression ».

Le conseiller immobilier René Dercksen en fait partie : « Il déteste les politiciens qui ont abandonné les travailleurs. C’est uniquement pour cette raison qu’il a décidé de voter pour le Parti pour la liberté ». Dercksen défend les « personnes âgées de la ville de Gouda, qui ont peur de sortir de chez elles pour aller au supermarché ». Lui-même vit dans un « quartier agréable et calme, où il n’y a pas beaucoup de problèmes de criminalité ». Il se considère comme un membre de la « génération GeenStijl » (6) qui, selon lui, se compose de cols blancs « bien éduqués » qui suivent de près la politique et l’actualité et votent principalement pour le PVV. « Ces personnes ne sont pas antisociales, comme on veut souvent le faire croire. »

Joost Wildschut, un directeur d’entreprise, a lui aussi envoyé des lettres pour exprimer sa colère. Tout comme Dercksen, il touche un gros salaire et vit dans un quartier où se côtoient « médecins et entrepreneurs ». Il vote pour Wilders avec les meilleures intentions du monde. En votant pour un raciste, il souhaite empêcher que « la ségrégation s’impose dans la société ». Wildschut fait partie de ces nombreux Néerlandais mécontents qui croient que « leur propre pays » est « menacé » par l’islam. « Je trouve bizarre qu’il y ait une heure de natation séparée pour les femmes musulmanes, ou qu’on envisage de créer un système financier pour des hypothèques halal. Cela m’ennuie de voir une femme avec une burqa sur le marché ».

En 2006, l’infirmier Ger Dalen a voté Wilders en raison de son adhésion à la philosophie du « Adapte-toi ou va te faire foutre ». « Je ne veux m’associer aux musulmans que s’ils soutiennent la démocratie, renoncent au foulard et considèrent les non-musulmans comme des égaux. »

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En raison de la grande variété d’électeurs issus de toutes les couches de la société, le PVV peut se permettre de prendre ses distances avec les racistes qui sont tellement explicites qu’ils risquent de nuire au parti. On les trouve souvent dans les classes populaires dites « autochtones ». Le Parti pour la liberté peut sacrifier certains de ces électeurs, parce qu’ils pourraient nuire à l’image d’un parti décent et démocratique. Ils pourraient amener le PVV à se retrouver dans la même classe que ses prédécesseurs le Centrum Democraten et le Centrum Partij (7), ce qui ne constituerait pas une solution alternative acceptable qui conviendrait à ses partisans néolibéraux et nationalistes.

Lorsqu’en avril, le journal De Pers (8) a demandé leur opinion aux électeurs du PVV dans la ville de Den Bosch, le parti s’est retrouvé dans l’embarras. « Si cela ne tenait qu’à moi, les Marocains qui ne travaillent pas seraient renvoyés dans un bateau à la coque percée. On serait alors sûr qu’ils ne reviendraient pas », fut l’une des nombreuses réponses douteuses que le journal recueillit. Une autre personne interrogée proposa de coller les voleurs contre un mur et de les arroser avec une mitrailleuse. Le parti prit rapidement ses distances avec ces individus. Et le journal De Pers admit que le cliché des électeurs pauvres et « mal éduqués » du PVV était erroné – ce qui convenait parfaitement au parti de Geert Wilders.

Selon Sietse Fritsma, députée du Parti pour la liberté : « Nous constatons que nous sommes en train de devenir un vaste parti populaire. Qu’il s’agisse d’un ouvrier d’usine ou d’un patron dont l’entreprise engendre des millions de bénéfices, tout le monde est présent à nos réunions dans l’ensemble du pays. » C’est là que réside le cœur du problème. Beaucoup de gens au bas de l’échelle sociale transforment la colère suscitée par leurs propres problèmes en racisme et préfèrent s’unir à leurs patrons plutôt qu’à leurs collègues « allochtones ». La gauche doit lutter contre ces problèmes, contre l’effondrement antisocial des équipements collectifs, contre le néolibéralisme et contre le racisme.

Sandor Schmits

Notes

1. La LPF (Liste Pim Fortuyn) est le parti créé par le populiste de droite Pim Fortuyn. Pim Fortuyn fut assassiné quelques jours avant les élections législatives de mai 2002. Parti de rien, son parti obtint 26 sièges sur 150 lors de ces élections.

2. Het Parool a été créé par la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait à l’origine d’un journal social-démocrate illégal qui contenait des informations politiques. Aujourd’hui, c’est un journal libéral de gauche qui se concentre sur la ville d’Amsterdam.

3. Partij van de Arbeid (PVDA), Parti du travail, parti social-démocrate, à l’origine de la conquête de nombreux droits sociaux. Au cours des vingt dernières années, il s’est surtout efforcé de les démanteler et est devenu un parti légèrement à gauche du centre qui souhaite introduire « en douceur » des réformes néolibérales.
4. Rita Verdonk est une ancienne membre du VVD et a été ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration. Elle était alors connue pour sa rigueur dans l’application des lois contre les étrangers aux Pays-Bas. Aujourd’hui, elle dirige TON, Trots op Nederland (Fiers des Pays-Bas, un parti nationaliste conservateur.

5. Le Volkskrant (Le journal du peuple) est une publication traditionnellement catholique, de centre gauche, qui s’adresse à un public ayant un certain niveau d’études.

6. GeenStijl est un « blog-choc » de droite qui attaque sans cesse la « société multiculturelle », les « terroristes marocains des rues » et « l’église de gauche ».

7. Le Centrumdemocraten (CD) et le Centrum Partij ‘86 (CP ‘86) étaient des partis d’extrême droite qui, dans les années 1980 et au début des années 1990, ont été attaqués pour leurs positions racistes et leurs soutiens fascistes.

8. De Pers (La Presse) : ce tabloïd gratuit est principalement diffusé dans les gares. Il se présente comme une publication gratuite mais qui propose des articles plus approfondis que les autres gratuits.

AUTRES ARTICLES SUR WILDERS ET LE PVV

– Geert Wilders, un politicien populiste et d’extrême droite (2005)
https://npnf.eu/spip.php?article412

– Qui est vraiment Geert Wilders ? (2007) https://npnf.eu/spip.php?article1117

– Même les universitaires qualifient le Parti pour la liberté de Wilders d’extrême droite (2008) https://npnf.eu/spip.php?article1118

– Le Parti pour la liberté (PVV) : un parti antisocial et néolibéral (2009) https://npnf.eu/spip.php?article1121

– Qui vote pour le Parti pour la liberté (PVV) ? (2009)

– Le manifeste électoral du Parti pour la liberté (PVV) est plus raciste que celui du NSDAP d’Hitler dans les années 1920 (août 2016)

  Desintox : malheureusement les électeurs néerlandais n’ont PAS rejeté Geert Wilders (mars 2017) https://npnf.eu/spip.php?article1119

– Les Pays-Bas étaient déjà d’extrême droite, mais désormais on ne peut plus l’ignorer (2023) https://npnf.eu/spip.php?article1116