(Ce texte développe une intervention orale dans le cadre d’une discussion organisée par le Collectif anarchiste des Alpes maritimes, le CAAAM, le 11 décembre 2009, à Nice.)
Bien que la gauche, l’extrême gauche, les libertaires et de nombreux intellectuels aient refusé de participer au débat organisé par le gouvernement Sarkozy-Fillon- Besson, les conséquences politiques de cette discussion nous concernent tous : que ce soit la légitimation de la xénophobie au nom d’arguments dits « culturels » ; la multiplication des contrôles policiers pour atteindre des quotas sans cesse croissants d’expulsions ; le renforcement de l’arbitraire administratif et judiciaire contre les « étrangers » ; la mobilisation d’une partie de la population de France (les « Français » et les étrangers en « situation régulière ») contre une autre (les « sans papiers ») ; et la précarisation accrue d’une partie du prolétariat (les « immigrés en situation irrégulière ») au nom de la prétendue « régularisation par le travail ».
On ne peut nier que cette question intéresse (ou en tout cas concerne) directement un certain nombre de travailleurs, à commencer par les 3,5 millions d’« étrangers » qui vivent sur le territoire français et se demandent à quelle sauce l’État français va prochainement les manger ! Mais aussi tous ceux qui ont été naturalisés (ou qui sont nés en France) et dont la carte d’identité arbore une photo avec un faciès pas tout à fait « gaulois ».
Ce débat concerne tous ceux qui vivent dans d’autres pays et qui ont de la famille en France, et qui projettent de venir étudier, travailler ou vivre ici pendant un moment. Il concerne aussi tous les enfants, les ados, les jeunes qui ont de la famille dans au moins deux pays différents et qu’on somme aujourd’hui de choisir entre leur prétendue « identité nationale française » et une autre prétendue « identité nationale ». C’est le sinistrement fameux : « Tu aimes la France, ou tu la quittes. »
Enfin, il concerne tous ceux qui sont conscients des enjeux plus larges qui se cachent derrière cette discussion. Avant d’aborder ces enjeux, qui sont fondamentaux pour comprendre la fonction politique de ce débat, il faut d’abord se livrer à un petit rappel historique. En effet, si l’on se limite à une critique de la fonction politicienne de ce débat (gêner la gauche avant les régionales, attirer les voix du Front national), on fait preuve à la fois preuve de paresse intellectuelle et d’une cécité politique suspecte. On se contente de répéter le même argumentaire antipétainiste et antifasciste que la gauche et l’extrême gauche ânonnent depuis plus d’un demi-siècle : « Vichy revient », « De Gaulle c’est le fourrier du fascisme », « Pompidou c’est la fascisation rampante », « Giscard c’est le pétainisme », « Sarkozy c’est Vichy 2 » et autres absurdités.
L’identité nationale : un vieux mythe dangereux et une discussion jamais réglée à gauche (2009)
Article mis en ligne le 2 octobre 2023