Bandeau
Ni patrie ni frontières
Slogan du site
Descriptif du site
BATTRE LA RÉFORME DES RETRAITES DE MACRON, C’EST RELANCER EN GRAND ET PARTOUT LA LUTTE POUR AUGMENTER LES SALAIRES
Article mis en ligne le 7 janvier 2020

[Un excellent tract qui tranche avec les discours gauchistes coupés de la réalité et les fantasmes sur la "giletjaunisation" des luttes comme si le gilet jaune était devenu le drapeau rouge du XXIe siècle.... Y.C., Ni patrie ni frontières]

Les retraites ne sont que du salaire différé. Le salaire est la somme d’argent indispensable à la reproduction de la force de travail de chacun. Ce montant est renégocié sans cesse en fonction, notamment, des rapports de force entre les travailleurs et les patrons épaulés par leur État. Le contrat est la formalisation de ces rapports de force. Parmi les éléments contractuels, il y a celui, essentiel pour préserver la continuité du rapport d’exploitation, de la garantie d’un revenu pour ses vieux jours. C’est pourquoi ce thème est, depuis longtemps, l’un des grands facteurs de la lutte des classes. Ainsi, la retraite n’est autre que du salaire dont le versement est différé jusqu’à la sortie légale des salariés du marché du travail.

C’est pourquoi la question de la retraite devrait être comprise comme une question de salaire et traitée comme telle.

La réforme pour qui, pourquoi ?

L’ensemble des caisses de retraites (selon le rapport du COR) n’enregistrent qu’une faible progression des dépenses. En revanche, les entrées, elles, baissent. Cela s’explique par une entrée plus tardive sur le marché du travail, des salaires qui stagnent, l’exonération des heures supplémentaires, et des carrières discontinues avec l’augmentation des périodes de chômage, en particulier de celles non indemnisées. Il est bon de rappeler qu’avec la dernière réforme de l’assurance chômage, qui est passée comme un colis chez Amazon, nous avons pris une vraie claque : durcissement des conditions d’accès, réduction de la durée et des montants d’indemnisation.

Pour les concepteurs de la réforme, si on n’augmente pas la contribution des entreprises comme promis par l’exécutif (cotisations qui du reste sont, comme toute la production sociale, le fruit de notre exploitation), il ne reste plus que l’augmentation du montant et l’allongement de la durée des cotisations pour rééquilibrer les caisses. Le tout sur fond de convergence des différents régimes particuliers vers un régime unique par capitalisation.

Selon les plans de l’exécutif, pour conserver une retraite équivalente à l’actuelle, il faudra travailler plus longtemps. L’alternative qu’il propose ? Accepter des retraites plus basses.

C’est aussi simple que cela. Pourtant, les syndicats qui cogèrent les caisses actuelles avec les organisations patronales compliquent les choses pour amener les grévistes à défendre le système actuel qui, au demeurant, n’est pas si favorable que cela aux travailleurs comme ils le prétendent. Pour ce faire ils agitent deux épouvantails dans les AG :

 « la retraite par points est une nouveauté horrible ». … Dommage que les régimes complémentaires des cadres AGIRC et ceux des retraites complémentaires de l’ensemble des salariés du secteur privé de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture (cadres compris) ARRCO sont basés sur ce mode de comptabilisation. Et ce système n’a guère fait de vagues depuis la mise en place en 1947, pour le premier, puis 1961, pour le second.

 « les fonds d’investissement vont se jeter sur l’argent des retraités ». Malheureusement pour ces agitateurs de la peur ces fonds existent déjà, en France, et depuis 1967, à l’image de Préfon-Retraite, le complément de retraite facultatif pour les salariés de la fonction publique, géré par ses syndicats fondateurs CFDT, CFTC, CGC et FO. Ceux-ci ne s’offusquent pas d’en confier la gestion à CNP Assurances ni d’administrer le portefeuille comme un quelconque fonds de pension américain contrôlé par leurs pairs de là-bas !

L’argent qui est collecté par l’État ou par ces organismes complémentaires avec la finalité affichée de garantir nos retraites, en réalité, ne nous appartient pas jusqu’au moment où nous le percevons. D’ici là, cet argent « travaille » comme du capital, placé dans des fonds monétaires, d’obligations ou, dans certains cas, d’actions. Il appartient à qui en a la gestion, exactement comme notre épargne placée en banque jusqu’au moment où nous allons la retirer. Seule différence, et de taille, avec les économies confiées aux banques, l’argent des retraites ne se transformera en salaire différé que de longues années après l’avoir « prêté » de force aux caisses.

Du coup, notre rapport aux caisses de retraite, publiques ou privées qu’elles soient, cogérées par les syndicats et les patrons ou pas, par répartition ou par capitalisation, est exactement comme celui qu’on entretient avec la banque : il faut qu’elles nous restituent l’argent le moment venu et peu importe si elles sont déficitaires, plus ou moins bien gérées, etc. Notre relation au système des retraites, quel qu’il soit, doit par conséquent être la même que celle qu’on a avec notre banquier : file mon fric et tout mon fric quand j’en ai besoin.

La retraite n’est à nous que quand elle rentre dans notre poche.

Avant ce moment, elle est capital, exactement comme notre épargne placée en banque.

La réforme Macron tente de nous impliquer un peu plus dans la gestion de l’argent qui ne nous appartient pas encore. Exactement comme la CGT, FO et SUD s’appliquent à nous inculquer que le système actuel nous appartient par leur intermédiaire et que nous devons donc le défendre. Mieux, défendre leurs rentes de situation au sein des caisses actuelles.

Eh bien non ! Nous défendons uniquement notre salaire d’aujourd’hui et de demain. Sans attendre.

 Avant tout en faisant nôtre, en la généralisant à tout le monde, la solution proposée aux enseignants par le gouvernement pour garder leurs retraites actuelles : augmenter les salaires, donc les cotisations, et intégrer la partie variable du salaire total, les primes, (environ 10 à 15 % du total du salaire moyen de l’ensemble des travailleurs) dans le calcul de la retraite.

 Il faut aussi imposer que les chômeurs qui ne sont plus ou pas indemnisés continuent de « mûrir » des points de retraite. Ce qui n’est pas le cas y compris maintenant avec le système de retraites fondé sur la dite « solidarité » entre générations (mais pas entre chômeurs et non-chômeurs) si chère aux centrales syndicales.

 Ensuite il faut rejeter toute logique « paramétrique », c’est-à-dire le recul progressif de l’âge où on pourra encaisser notre salaire différé, la retraite, et effacer, dans la foulée, les réformes du même tonneau qui ont précédé celle-ci (2003, 2010, etc.).

 Enfin, point essentiel, pas question d’accepter que le niveau de notre retraite soit calculé sur la moyenne des revenus de travail de toute une vie. Pourquoi avaler une perte de pouvoir d’achat brutale une fois que nos bras et nos cerveaux ne servent plus à valoriser le capital ?

Une grève qui s’affaiblit à la SNCF et à la RATP

Si la première journée s’est soldée par une grève massive à la SNCF et à la RATP, ailleurs la participation a été mitigée (Éducation, La Poste, EDF, etc.) et quasi nulle dans le secteur privé (notons, par exemple, les 5 % de grévistes à Renault Flins). Par la suite, la grève n’a pas mordu et est restée restreinte aux entreprises déjà en grève. Et aujourd’hui elle s’effiloche carrément. Les défaites des deux derniers mouvements contre les réformes des retraites (2003 et 2010) semblent se reproduire avec, notamment, la séparation entre travailleurs du public et du privé.

Et même à la RATP et à la SNCF le nombre de grévistes continue de diminuer.

À la RATP, si le métro tient relativement et les RER A et B un peu moins, les tramways roulent. À cela s’ajoute la faible participation à la lutte des chauffeurs de bus qui n’étaient que 40 % à cesser le service, le 5 décembre, et qui sont moins d’un tiers à l’heure où nous écrivons. Pour mémoire, les chauffeurs RATP sont 15 000 sur un effectif global du groupe de 43 000. Ils sont donc une composante décisive.

À la SNCF, c’est le schéma de 2018 qui se reproduit. Parti de 55 % de l’effectif total, le 5 décembre, le nombre de grévistes (y compris chez les catégories les plus mobilisées comme les conducteurs et les contrôleurs) n’a cessé de se contracter. Seule exception jusqu’ici, celle du 17 décembre à 32,8 % – pourcentage comparable à celui de la remontée éphémère du 14 mai 2018, jour du référendum contre la réforme ferroviaire. Comme en 2018, la majorité des personnels opposés à la réforme ne veut pas se mouiller et compte sur ceux qui font grève pour limiter la casse. Une grève par procuration en somme. Le contraire exact de ce qu’il faudrait pour gagner.

Les dirigeants syndicaux et des grévistes se rassurent en répétant inlassablement que « l’opinion publique soutient la grève ». Comme si c’était à « l’opinion publique » de décider du bien-fondé de la lutte… Mais qu’est-ce que l’« opinion publique » ? Des sondages qui affichent des pourcentages contradictoires qui font état des avis de simples consommateurs / spectateurs impuissants. Puis il n’est guère assuré que la dite opinion publique ne se retournera et ne se coagulera pas en bloc social réactionnaire où voyageurs et non-grévistes feraient front commun contre les grévistes et les piquets. Certes, ce n’est pas le cas jusqu’à présent. Mais qui peut assurer que ceci n’aura pas lieu ?

Certains grévistes misent sur le blocage des raffineries et des dépôts d’essence pour créer la pénurie de carburant et « mettre le gouvernement à genoux » Or, depuis le 5 décembre, seules trois raffineries ont connu des interruptions partielles (Donges, Grandpuits et Lavéra). Quant aux dépôts d’essence, un seul était en grève. Les mouvements depuis 2010 ont montré l’inefficacité des appels au blocage des dépôts quand on n’a pas le rapport de force. Enfin, miser sur les pénuries de carburant, c’est faire peu de cas des atouts du gouvernement : les stocks stratégiques et les importations. Et il faudrait aussi expliquer pour quelle mystérieuse raison une éventuelle pénurie de carburants convaincrait les non-grévistes de se joindre au combat.

En résumé, le gouvernement a bien manœuvré. Philippe n’est pas Juppé. L’exécutif a bien appris la leçon. Pendant ce temps, malheureusement, le mouvement actuel est un mauvais remake de 1995 avec deux seules entreprises affectées, SNCF et RATP, et une lutte qui se résume à la défense conservatrice des régimes spéciaux des salariés statutaires et du système actuel des retraites.

Éviter le mauvais scénario pour les grévistes

Alors quelle peut être la suite ? Il est à craindre que le mauvais scénario de la grève SNCF de 2018, étendu à la RATP, ne se reproduise à l’identique ou presque. Il est probable que la CFDT et l’UNSA lâchent prise autour de la mi-janvier en prétextant des avancées dans leurs tractations avec l’État-patron. Quant à la CGT et à SUD, ils se plaindront une nouvelle fois de la trahison de leurs copains de la CFDT et de l’UNSA avant de rebrousser à leur tour chemin. Le risque est que ces deux organisations laissent les cheminots et les travailleurs de la RATP les plus déterminés s’engouffrer dans un combat solitaire et ultra-minoritaire assorti d’appels abstraits à une solidarité sans contenu adressés aux autres travailleurs pour se donner bonne conscience.

Ce mouvement n’est pas la lutte des syndicats contre le gouvernement mais la lutte des salariés grévistes de la SNCF et de la RATP contre leur patron, l’État, et de tous les prolétaires contre le capital et son État. L’État qui prouve, une fois encore, qu’il est aussi bon exploiteur que ceux du privé.

Pour redresser la barre, les grévistes doivent se donner les moyens de contrôler leur grève, directement et horizontalement, sans déléguer leur lutte aux syndicats en les privant du mandat de négocier en leur nom et en ripostant partout par des luttes dures sur les salaires et sur les points de la réforme Macron qui aggravent notre condition. La solution n’est pas donnée non plus par les fantomatiques « inter-pro » qui ont remplacé les « convergences des luttes » du même acabit de 2018 ; structures creuses faux-nez de groupes d’extrême-gauche en quête de légitimité.

Il faudrait aussi que les grévistes apprécient lucidement le rapport de force réel, actuellement défavorable, et réajustent rapidement le tir en évitant à tout prix des formes de lutte ultra-minoritaires. Le jusqu’au-boutisme qui prétend ne « rien lâcher » montre désormais toute son impuissance. Beaucoup de grévistes espèrent un rebond de la grève début janvier. Nous aussi. Mais d’ores et déjà l’argent commence à manquer et les caisses de grève auront du mal à combler le trou. Et la répression pointe le bout de son nez avec la chasse aux arrêts maladie via des contrôles surprise. Enfin le nombre des non-grévistes risque de se multiplier.

Lutter sur les mêmes bases que maintenant ne paie pas.

Le mécanisme de capitalisation renforce objectivement la relation entre le salaire direct et la retraite. Profitons-en à notre manière. Il faut lutter d’urgence pour les salaires sans oublier les conditions de travail. En perspective, la meilleure manière de préserver les retraites et de travailler moins longtemps dans un système par capitalisation à points est d’augmenter uniformément les salaires de base et d’accroître l’indemnisation du chômage ainsi que sa durée. Dans ce cadre, il faut que le calcul du point ne se fasse pas sur le salaire de base mais sur le salaire réel incluant les primes. Ces fameuses primes qui divisent tant les salariés de la SNCF.

POUR LA REPRISE DE L’INITIATIVE OUVRIÈRE

Paris, le 03 janvier 2020

Pour toute correspondance, écrire à : pmprio2018@gmail.com