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Pourquoi et comment coopérer avec la gauche radicale et les organisations progressistes

Pouvoir et contre-pouvoir
Dans les cercles révolutionnaires, la notion de pouvoir est souvent considérée comme une obscénité. Généralement les militants affirment qu’ils sont contre le pouvoir. Mais partout où il y a des êtres humains, il y a du pouvoir. Il existera toujours des relations de pouvoir entre les individus et entre les groupes. Les relations de pouvoir les plus importantes aujourd’hui sont les relations capitalistes, patriarcales et racistes. Le but de la gauche révolutionnaire devrait être de se débarrasser des relations de pouvoir injustes entre les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, les Blancs et les Noirs. Le pouvoir devrait être réparti également entre tous les habitants de la planète. Pour atteindre ce but, les révolutionnaires ont besoin de pouvoir. Ils doivent donc construire un contre-pouvoir(1) qui puisse vraiment changer les relations de pouvoir actuelles. Pour cet objectif, nous travaillons à trois niveaux : en renforçant notre groupe, en coopérant avec d’autres organisations d’extrême gauche et en collaborant avec des organisations progressistes.

Article mis en ligne le 19 mai 2017

Notre expérience avec l’extrême gauche

Pour renforcer notre propre organisation, il est vital de disposer de structures démocratiques claires, d’organiser des discussions et des actions et d’attirer de nouveaux militantes et militants.
À un deuxième niveau, celui de la coopération avec d’autres organisations révolutionnaires, nous cherchons à mettre en place des structures communes pour pouvoir construire un contre-pouvoir politique. Nous recherchons donc toujours des organisations qui comprennent l’importance d’une coopération structurelle à long terme. Des organisations qui veuillent que nous luttions ensemble, analysions la situation politique ensemble, choisissions les meilleurs terrains de lutte politique ensemble et fassions des plans d’action ensemble.

Malheureusement, la notion de réseaux libres, sans liens ni engagements réguliers, est devenue extrêmement populaire dans les cercles militants ces dernières années. La gauche révolutionnaire semble avoir peur de toute forme d’organisation qui crée des obligations. Pourtant, sans structures sérieuses, toutes les discussions demeureront inabouties et nous ne pourrons jamais mettre des idées en pratique. En outre, sans structures sérieuses, il est impossible de transmettre des connaissances politiques, et la gauche révolutionnaire sera condamnée à recommencer toujours les mêmes discussions, et répétera indéfiniment les mêmes erreurs. En bref, sans structures fortes, sans buts communs, sans une certaine forme de coordination, aucun contre-pouvoir n’est possible. En principe, nous ne souhaiterions coopérer qu’avec des organisations ayant un fonctionnement démocratique et dont les représentants aux réunions de coordination inter-groupes seraient révocables à tout moment. Et ceci, parce que les organisations hiérarchisées contribuent au maintien de relations de pouvoir inégales et injustes. Depuis 1990, De Fabel a régulièrement essayé de coopérer avec d’autres organisations d’extrême gauche. Bien que nous ayons toujours analysé et discuté les possibilités et l’utilité de telles coopérations avant de les entamer, la plupart de ces projets ont échoué assez rapidement. Il semble malheureusement que la création de structures sérieuses ne soit pas possible au sein des mouvements anarchistes et autonomes actuels.

Progressistes et révolutionnaires :
une coopération indispensable…
…à certaines conditions

Au troisième niveau, celui de la coopération avec des organisations progressistes, nous essayons continuellement de travailler sur des projets concrets avec des ONG ou d’autres organisations politiques, ou religieuses, progressistes. La gauche révolutionnaire peut ainsi gagner de petites victoires sur certaines questions, sans pour autant s’imaginer que cette coopération conduira au moindre changement fondamental. Il y aura toujours une lutte de pouvoir et beaucoup de tension entre un groupe révolutionnaire et son partenaire progressiste s’ils coopèrent à des projets communs. Chacun essaiera d’atteindre son propre but, mais il aura besoin de l’autre pour l’accomplir. Pour un groupe révolutionnaire, s’associer à des groupes progressistes plus grands et plus riches (qui disposent de plus de moyens matériels et de subventions, et peuvent donner plus de publicité à nos combats communs), peut être intéressant car ces derniers influencent des gens plus modérés.
Quant aux progressistes, de leur côté, ils cherchent à utiliser les révolutionnaires : ceux-ci disposent de plus de liberté d’action, font preuve de davantage de hardiesse et proposent des idées plus originales. Souvent, les progressistes ne sont pas capables de lancer eux-mêmes de nouvelles initiatives sérieuses. Mais ils ont besoin d’impressionner leurs patrons, leurs soutiens financiers et les milieux dans lesquels ils vivent et opèrent. Les progressistes souhaitent seulement arrondir les angles des problèmes sociaux. Ils ne veulent aucun changement fondamental, parce que ces bouleversements compromettraient leur position sociale. En coopérant avec la gauche révolutionnaire, les progressistes essaieront toujours de déterminer le contenu de nos projets communs, et nous aurons la même attitude. Cela provoque souvent des conflits intenses entre nous, au sujet des slogans, des tracts, des thèmes des réunions et des itinéraires pour les manifestations. Il n’est pas rare que nos partenaires progressistes essayent de nous écarter temporairement du processus décisionnel et de prendre le pouvoir dans nos projets communs à certains moments critiques.

Nous ne devons pas essayer de changer nos partenaires progressistes. C’est presque toujours un gaspillage d’énergie et de temps. Mais les projets de coopération peuvent nous servir à toucher – au-delà des représentants et des dirigeants que nous rencontrons dans les réunions de coordination – les gens qu’ils influencent, pour leur montrer le pouvoir des idées révolutionnaires. Dans les milieux progressistes on rencontre souvent des individus insatisfaits qui peuvent être intéressés par notre lutte. C’est pourquoi l’extrême gauche doit toujours se montrer à la fois très ouverte et claire au sujet de son idéologie et de sa volonté de lutter sérieusement.

Compromis et expectatives
Avant de lancer le moindre projet de coopération avec des organisations progressistes, les révolutionnaires doivent se livrer à une évaluation réaliste en cherchant à entrer en contact et à discuter avec des partenaires potentiels. Une organisation d’extrême gauche devra certainement faire beaucoup de compromis, et perdra probablement le contrôle du projet mené en commun avec des progressistes à certains moments. La gauche révolutionnaire a souvent moins de pouvoir que les progressistes, mais naturellement elle n’est pas complètement impuissante. Il est donc très important que nous sachions clairement ce que nous attendons de nos partenaires progressistes, et quels compromis nous sommes prêts à faire. Quand un groupe révolutionnaire collabore avec les mêmes militants progressistes pendant une longue période, le danger existe que les tensions politiques diminuent entre eux, que les liens deviennent moins politiques, plus personnels et amicaux, que le pragmatisme se développe et que les idées révolutionnaires disparaissent du projet. Si ce processus se poursuit, une organisation révolutionnaire risque de finir par se transformer en une banale organisation progressiste.

Ne pas perdre de vue notre objectif final
La croissance de notre groupe est inséparable de la collaboration avec d’autres organisations – révolutionnaires ou progressistes. Nous avons besoin les uns des autres, et ce besoin crée une tension politique dialectique nécessaire entre nous, tension qui peut être productive. Une organisation révolutionnaire ne sert à rien si elle existe dans un milieu fermé, coupé du monde extérieur. La gauche révolutionnaire ne pourra probablement jamais faire progresser ses idées dans les riches pays du Nord si elle ne bénéficie pas du soutien des milieux progressistes de ces sociétés. D’un autre côté, la collaboration avec des courants progressistes n’a de sens que si la gauche révolutionnaire dispose de structures solides. En effet, l’extrême gauche a besoin de construire sa propre force pour pouvoir influencer des projets de coopération avec d’autres courants, et influencer l’ensemble de la société. Nous nous demandons toujours si nos activités politiques sont conformes avec nos principes de base. Tous nos projets doivent, en principe, contribuer à la construction d’un contre-pouvoir de la gauche révolutionnaire et à des changements sociaux fondamentaux.

Eric Krebbers,
De Fabel van de illegaal n° 63,
mars/avril 2004

Ce que De Fabel entend par contre-pouvoir : « Nous pensons que nous disposons des moyens de provoquer des changements sociaux dans la direction que nous souhaitons. Idéalement, à travers une forme d’organisation large, fondée sur la démocratie à la base, comme le communisme des conseils, par exemple, avec des représentants révocables à tout moment » (Note d’Eric Krebbers).