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« Moralisme » ou esprit d’entreprise ?

Il est fréquent d’entendre dire que LO serait une organisation « mora-liste », de « moines soldats » (selon l’expression humoristique de Hardy lui-même), etc., comme si les militantes et militants de LO n’avaient aucune vie amoureuse ou alors qu’elle était réduite au strict minimum. Pourtant ils divorcent, ont des aventures avec d’autres partenaires que le régulier ou la régulière, font des enfants ou n’en font pas, etc., comme tout le monde. À mon avis, il ne s’agit pas du tout d’un problème de morale, mais de gestion.

Article mis en ligne le 1er mai 2017

Les cadres de LO gèrent leur organisation comme une petite entreprise qui doit tourner au maximum, 7 jours sur 7, dimanche, jours fériés et vacances inclus. Les critiques des mœurs internes de LO (la séparation des couples dans deux cellules différentes, ou lors des caravanes de propagande en été, par exemple) prennent ses arguments au sérieux, tout en oubliant de parler des justifications de LO (népotisme possible, conséquence des antagonismes conjugaux sur le fonctionnement d’une cellule, etc.) qui ne sont pas tout à fait aberrantes et méritent discussion.
En vérité, il ne s’agit pas d’un problème moral mais d’un problème de ges-tion efficace du personnel militant. Un couple, placé dans la même cellule ou dans la même caravane d’été, ne focalisera pas toute son énergie vers le travail militant. Une partie de cette énergie se dispersera alors (s’ils sont amou-reux, je ne parle pas des vieux couples qui n’ont plus aucune attirance mutuelle) dans des rêveries, des regards, des caresses discrètes, des baisers volés, toutes choses nuisibles pour la productivité de militants politiques. Et LO essaie de tirer le maximum des jeunes hommes et des jeunes femmes qu’elle recrutent, et qui sont à une époque de leur vie où le désir, la sexualité travaillent drôlement l’esprit et le corps, où l’on change fréquemment de partenaire, etc.

C’est à cette conception de l’organisation-entreprise qu’il faut s’attaquer ou dont il faut discuter, pas au prétendu moralisme de LO.

Certains patrons n’aiment pas les salariées qui tombent enceintes ou les femmes ayant des enfants pour les mêmes raisons. De même certaines entreprises interdisent à leurs salariés de sortir entre eux.

Le contraire est aussi vrai : dans certaines vieilles entreprises américaines (Disney, Readers Digest, etc.) dont les dirigeants prônaient une morale reli-gieuse très stricte, on privilégiait plutôt la politique inverse, les mariages au sein de l’entreprise, les relations amicales et amoureuses dans un milieu fermé, pour mieux contrôler les pulsions sexuelles des salariés, le tout en encou-rageant les valeurs religieuses, la famille, etc. S’engager sur une discussion à propos du moralisme de LO est donc un piège. On joue alors sur le même ter-rain que LO qui rétorque (avec raison sur certains plans, mais pas vis-à-vis des homosexuels, pour lesquels j’ai découvert récemment que LO éprouvait une grande sympathie – elle est loin l’époque où les cadres de LO nous expli-quaient que les homosexuels étaient plus sensibles au chantage policier que les hétérosexuels !) qu’ils ne sont pas moralistes, qu’ils sont opposés au ma-riage, etc., et qu’en fait on veut les coincer sur le terrain de la sexualité pour sortir des anecdotes croustillantes, gagner l’appui de la petite-bourgeoisie, etc.

Quant au droit de regard de l’organisation, du Parti, sur la vie privée des mi-litants, cela renvoie à une autre discussion plus générale sur le type de société que l’on veut construire et le type de société dont LO et les trotskystes se réclament (la Russie soviétique sous la dictature du Parti bolchevik). Mais sur ce point précis, les trotskystes qui défendent encore l’emprisonnement des anarchistes sous Lénine et Trotsky, la répression contre les ouvriers de Crons-tadt ou contre les partisans de Makhno, ne pourront rien nous apprendre d’utile sur les vertus de la morale léniniste ou bolchevik.

Pas plus que ceux du NPA, ou d’autres groupes, qui défendent la dictature castriste, ce régime qui plonge des milliers de jeunes femmes dans la misère, ne leur laissant pas d’autre solution que de se prostituer pour les touristes – les tristement fameuses jineteras. Ceux-là n’ont rien à nous apprendre sur la morale et le féminisme exemplaires du stalinisme tropical qu’ils révèrent !

Y.C., janvier 2011