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Ni patrie ni frontières
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PATRIOTE – (extraits)

Patriote, du grec patriotès, qui voulait dire : compatriote ; au sens primitif il désignait donc : celui qui est du même pays. L’équivalent serait, aujourd’hui, dans le langage familier : pays, payse. (…)

Article mis en ligne le 1er mai 2017

Puis le mot signifie : celui qui aime sa patrie, qui se dévoue à ses compatriotes. (…) Avec la Révolution, un sens nouveau est donné à ce mot : Est patriote celui qui veut organiser la patrie par la liberté. Patriote devient synonyme de révolution-naire ; il a pour antonyme : aristocrate. (…). Le patriote avait pour ennemis, à cette époque, les nobles, le clergé, les chouans. Patriotes étaient les soldats de la République. (…) Mus par les idées des encyclopédistes, ils « vont de village en village opposer la pensée de la Révolution à la propagande cléricale. » (…). Patriotes aussi ceux qui se battaient aux frontières, contre les émigrés et leurs alliés. Patriotes ceux de l’intérieur qui organisaient la révolution et dont les plus ardents étaient Robespierre et Marat. Patriotes tous les « extrémistes » d’alors, genre Hébert, qui s’écriait aux Jacobins, le 21 juillet 1792 : « S’il faut un successeur à Marat, s’il faut une seconde victime, elle est toute prête et bien résignée : C’est moi ! Pourvu que j’emporte au tombeau la certitude d’avoir sauvé ma patrie, je suis trop heureux ! Mais plus de nobles ! Plus de nobles ! Les nobles nous assassinent. »

Et le mot continue son évolution, sous Louis-Philippe les républicains seuls se disent patriotes ; mais bientôt au fur et à mesure que se développe et grandit la bourgeoisie, bonapartistes, légitimistes, descendants d’émigrés ou petits-fils de « sans-culottes » tout le monde devient « patriote », on ne donne plus à ce mot le sens de compatriote, on oublie sa synonymie avec révolutionnaire ; on lui octroie sa nouvelle signification : dévot de la Patrie. De sorte qu’on assiste au renversement des rôles : les défenseurs des prin-cipes de 1789 ne se disent plus que bien mollement « patriotes » ; les révolutionnaires sont devenus nettement antipatriotes (du moins en paroles), et les plus farouches patriotes se réclament justement des idées et des formes de gouvernement que la Révolution a combattues !
Pour nous, résumant tout ce que nous avons dit jusque-là, notre définition sera : la Patrie est la divinité ; le Patriotisme est la religion de la Patrie ; le patriote est le fidèle du patriotisme.

LE MODÈLE – Comment doit se comporter le bon patriote ? Que doit-il penser ? Que doit-il faire ? Autant de questions insolubles si le patriote-type n’avait été établi depuis les origines, gabarit sur lequel chacun se modèlera ; de même qu’il existe – idéalement – le parfait chrétien, le parfait musulman, le parfait bouddhiste, etc., pour les croyants des autres religions. Le vulgaire, ayant la perfection devant les yeux, fera comme le geai ; il tâ-chera d’égaler le paon.

En France, on peut considérer Corneille comme le créateur de génie de ce monstre-type qu’on nomme : le patriote. Corneille, nourri d’Antiquité (l’Antiquité, toujours !), planant dans les sphères éthérées de l’inaccessible, en matière de psychologie, a créé des personnages dominés par l’abstraction : Devoir. Pour ceux de Polyeucte, Dieu seul compte ; pour ceux d’Horace, c’est la Patrie. Ces types sont dits « cornéliens ». Le patriote sera donc cornélien, c’est-à-dire qu’il n’aura d’humain que sa forme exté-rieure. Un court examen d’Horace nous donnera les traits essentiels du bon patriote : (…).

1° Il est glorieux de mourir pour son pays. Cela devient presque un plai-sir. (…)
2° Mourir pour la patrie, c’est l’immortalité. (…)
3° Le patriote doit obéir aveuglément. (…)
4° Lorsque la défense de la patrie l’exige, il n’y a plus ni parenté, ni amour, ni amitié qui compte. (…)
5° Il est criminel d’aimer les ennemis. (…)
6° Il est bienséant de glorifier les morts. (…)
7° Le rêve du patriote est l’impérialisme. (…)

Nous aussi, souhaitons l’anéantissement de cette idole : la Patrie. Nous aussi renions le monstrueux patriotisme, goule assoiffée de sang. Nous aus-si considérons le patriote comme un barbare, d’autant plus dangereux qu’il veut nous faire partager sa passion, nous imposer sa loi, « Il est triste que souvent, pour être bon patriote, on soit l’ennemi du genre humain », écrivait Voltaire. Pour être l’ami du genre humain, pour vouloir son émancipation totale, il faut, en effet, cesser d’être patriote ; il faut aller vers l’idéal liber-taire, vers la fin des Etats et des Patries, vers l’Internationale : celle qui ne portera aucun numéro, celle qui, n’étant inféodée à aucun Parti politique, abolira les frontières, supprimera les Armées, réconciliera tous les Peuples, mettra fin à la guerre, et fera de la terre la Patrie universelle. (…)