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Maryam Namazie : Bas les voiles !

A propos du débat sur la laïcité et les droits de la femme

Le projet de loi du gouvernement français qui vise à interdire les signes religieux ostensibles dans les écoles et les institutions publiques a suscité un vif débat sur les rapports conflictuels entre la laïcité et la liberté religieuse. Ce débat nous offre l’occasion de répéter nos arguments en faveur de la laïcité ainsi que des droits des femmes et des enfants. Tandis que les islamistes et leurs sympathisants proclament que l’interdiction des signes religieux dans les écoles et les institutions publiques restreindrait la « liberté religieuse », ou la « liberté de conscience », qu’elle développerait un « climat d’intolérance religieuse », qu’elle violerait « les droits des femmes et des jeunes filles », qu’elle serait « raciste », « discriminatoire », etc., nous, nous croyons que la vérité est très simple et tout à fait à l’opposé de ce que prétendent ces gens-là. En bref : cette interdiction favorable à la laïcité ne restreint absolument pas la liberté religieuse ni la liberté de conscience.

Article mis en ligne le 1er mai 2017

L’interdiction des signes religieux ostensibles dans les écoles et les institutions publiques n’est qu’un pas de plus vers la consolidation de la laïcité, c’est-à-dire vers la séparation entre l’État et la religion. La laïcité représente un progrès de la civilisation humaine. Au XIXe siècle, cette revendication visait l’Église et a abouti en France par exemple à la loi de 1905 ; aujourd’hui, elle est d’abord et avant tout une revendication contre l’islam politique, particulièrement depuis que ce mouvement fait des ravages au Moyen-Orient et dans le monde.

Au minimum, la laïcité garantit que les fonctionnaires et les représentants de l’État (fonctionnaires, juges, professeurs, etc.) ne font pas du prosélytisme religieux dans le cadre de leur travail et exercent au contraire leur métier de façon neutre et impartiale. Interdire à un professeur d’enseigner que Dieu a créé le monde, exiger qu’il fasse découvrir à ses élèves les explications de la science à ce sujet, ce n’est pas restreindre la liberté religieuse ou la liberté de pensée de cet enseignant, ce n’est pas une manifestation d’intolérance à l’égard de la religion. Il en est de même de l’interdiction des signes religieux. Les convictions religieuses sont une affaire privée, les fonctionnaires ne peuvent se servir de leur position pour imposer ou promouvoir leurs croyances.

Cette interdiction est également favorable aux droits des enfants. Lorsqu’il s’agit d’écolières voilées, l’interdiction doit s’étendre non seulement aux institutions et écoles publiques, mais aux écoles privées et partout. Les écoles religieuses doivent également être interdites. Ici, le problème dépasse la simple question de la laïcité et concerne directement le droit des enfants.

Si une adulte peut « choisir » de se voiler, les enfants, par nature, ne sont pas en mesure de faire de tels choix. Ils font ce que leurs parents leur disent de faire. Même si certaines enfants prétendent qu’elles aiment être voilées ou préfèrent porter le voile, comme quelques médias l’ont rapporté, le voile pour les mineures doit être interdit — tout comme un enfant doit être protégé s’il « choisit » de rester avec des parents qui le maltraitent, plutôt que d’aller dans une institution publique ; même si une enfant « choisit » de travailler pour faire vivre sa famille, en violation des lois sur le travail des enfants ; ou même si elle « choisit » de ne plus aller à l’école. Les États doivent intervenir pour protéger les enfants dans tous les cas.

De plus, les États doivent placer tous les enfants sur un pied d’égalité, veiller à ce qu’ils ne soient victimes d’aucune ségrégation et que rien ne les empêche d’accéder à l’information, aux progrès et aux droits de la société, à tous les jeux, y compris le fait de se baigner dans une piscine.

Quelles que soient leurs croyances, les parents n’ont pas le droit d’imposer celles-ci à leurs enfants, y compris le fait de voiler leurs filles, uniquement parce que ce sont leurs enfants ; pas plus qu’ils ne peuvent refuser que leur progéniture bénéficie de soins médicaux ; ou qu’ils n’ont le droit de les frapper, de les négliger ou de les marier contre leur gré, parce que cela fait partie de leurs convictions personnelles ou de leur religion.

L’interdiction des signes religieux ostensibles est favorable aux droits des femmes et des mineures. Elle protège les femmes (même s’il s’agit d’une mesure minime) contre ceux qui les harcèlent et les intimident pour les obliger à porter le voile. Ceux d’entre nous qui ont fui des pays où s’est imposé l’islam politique connaissent parfaitement le niveau des menaces et d’intimidation auquel doivent faire face les femmes à la fois au Moyen-Orient et ici en Europe et en Occident pour porter le voile. Le mouvement de l’islam politique qui se cache derrière l’agitation sur le voile est le même mouvement qui s’apprête à exécuter Kobra Rahmanpour(1) en Iran, à imposer la charia en Irak et à conserver pieusement les inégalités islamiques dans la constitution afghane. C’est le même mouvement qui massacre des innocents en faisant sauter des bombes dans des bus, des cafés ou des bureaux aux quatre coins de la planète. Dans tous les endroits où l’islam politique a pris le pouvoir, il a tué et brutalisé les gens. Les femmes, les petites filles et les adolescentes ont été ses premières victimes. C’est maintenant ce même mouvement qui exige l’institutionnalisation de ses mesures répressives contre les femmes au cœur de l’Europe en les faisant passer pour le « droit des femmes » ou la « liberté religieuse » ! Quelle farce ! C’est ce même mouvement qui est devenu un véritable expert dans les attaques contre les droits et les libertés des femmes. Le débat sur le voile doit être envisagé dans ce contexte plus général.

« Mon hidjab, mon droit » ? Je ne le crois pas. Bien sûr, une femme adulte a le droit de pratiquer sa religion, ses croyances et ses coutumes dans des domaines où elle ne représente ni l’État ni le système éducatif. Bien sûr, c’est son « choix personnel » si elle se voile. Mais si toutes les formes d’intimidation et de menace des islamistes, les lois islamiques, le racisme, le relativisme culturel et la ghettoïsation (des immigrés, NdT) par les gouvernements occidentaux, les normes qui considèrent que les femmes ne valent que la moitié d’un homme, etc., si tout cela disparaissait, je peux vous assurer que très peu de femmes porteraient le voile.

Même si c’était le cas, nous devrions nous rappeler qu’il ne s’agit pas d’un droit positif. « Mon hijab, mon droit », c’est comme si l’on criait « Mon excision, mon droit ». Le voile est un outil qui sert à contrôler la sexualité des femmes, tout comme l’excision. Il vise à instaurer la ségrégation des femmes. Le voile n’a rien de commun avec un anneau dans le nez comme a pu le dire un écrivain ! Est-ce que d’innombrables femmes ont été tuées, torturées et fouettées pour avoir porté un tel anneau en Europe ? Je ne crois pas. Aujourd’hui, plus que jamais, le voile est le symbole de l’islam politique dont les femmes et les mineures sont les premières victimes. Le voile n’est pas un simple bout de tissu, de même que l’excision n’est pas une simple coutume parmi d’autres.

Je suppose que si l’on voulait le comparer à un signe vestimentaire, on pourrait le comparer à l’étoile de David que les nazis imposèrent aux Juifs pour les enfermer, les contrôler, les réprimer et commettre un génocide. On apprendra de nombreuses choses sur l’holocauste islamique lorsque le régime islamique iranien — ce pilier de l’Islam politique — sera renversé.

L’interdiction des signes religieux n’est ni raciste ni discriminatoire. Certains l’affirment, mais en fait ce sont généralement les racistes qui imaginent des lois et des politiques séparées pour des populations différentes, y compris les immigrés et les femmes qui vivent dans les communautés musulmanes occidentales. De telles « différences » ont été tellement mises en avant par les partisans du relativisme culturel et du multiculturalisme, qu’une interdiction des symboles religieux pousse immédiatement certains à crier au racisme et à exiger le « droit de porter le voile ».

En fait, l’invocation du racisme est le nouveau gadget des islamistes et du mouvement de l’islam politique, tout comme de leurs compagnons de route. Leur but est de faire taire ou d’embarrasser leurs opposants, car ils savent parfaitement que personne n’aime à être traité de raciste, même lorsque son attitude n’a rien à voir avec le racisme. Et le fait de lancer l’épithète de « raciste » contre toute personne qui critique l’islam ou l’islamisme a atteint des proportions incroyables. Par exemple, une femme m’a écrit qu’elle percevait de « l’islamophobie » (j’ignore quel sens elle donne à ce mot) dans notre défense de la laïcité parce que « Noël, Pâques et bien d’autres événements religieux sont célébrés en Grande-Bretagne. » Elle ne pouvait pas manifester en faveur de la laïcité parce qu’elle savait que « les laïcs pratiquent le double langage ». C’est pourquoi elle a rejoint la manifestation des islamistes en faveur du hidjab et contre la laïcité plutôt que notre contre-manifestation. Et qu’est-ce qui l’empêche de rejoindre les forces laïques et d’exiger l’interdiction de toutes les écoles et fêtes religieuses, comme nous l’avons fait ? Le multiculturalisme a transformé l’irrationalité en un véritable art. Certes le racisme fait partie intégrante du système, mais défendre la laïcité n’a rien à voir avec le racisme. La bataille pour la laïcité dans l’Europe du XIXe siècle faisait-elle preuve de racisme envers l’Église ou les chrétiens ?

Cela n’a rien à voir non plus avec le fait de soutenir l’impérialisme français. Nos chers anti-impérialistes prétendent que défendre la laïcité équivaudrait à défendre « l’État impérialiste français et son système d’éducation ». La lutte pour la laïcité et les droits des femmes n’a rien à voir avec un quelconque soutien apporté au gouvernement français et a tout à voir avec la défense des valeurs progressistes. Ce sont des valeurs pour lesquelles le peuple et la classe ouvrière se sont battus et sont morts.

Si l’on pousse ce genre de pseudo « raisonnement » jusqu’au bout, personne en France n’aurait dû, par exemple, s’opposer à la guerre en Irak par crainte de soutenir l’État impérialiste français. Ces anti-impérialistes sont si résolument anti-impérialistes qu’ils ne peuvent être rien d’autre. Il est intéressant de constater que leur anti-impérialisme va seulement de pair avec des positions réactionnaires. Lorsque les gouvernements occidentaux ont défendu les talibans ou qu’aujourd’hui ils défendent le régime islamique en Iran, nos anti-impérialistes semblent avoir perdu la mémoire. Lorsque les femmes sont lapidées à mort en Iran, lorsque la constitution afghane prétend qu’aucun droit de l’homme ne peut contredire l’islam, ou quand on impose la charia en Irak, ils sont incapables de prononcer un seul mot pour que nous puissions vérifier s’ils vivent et respirent encore. Ce ne sont pas des problèmes importants pour eux. Et le voile ne constitue pour eux qu’un « bout de tissu ». Lorsqu’il s’agit des droits des femmes et des filles mineures, ils trouvent toujours un problème plus urgent. En ignorant ces questions fondamentales, ils espèrent qu’elles disparaîtront toutes seules. Mais cela ne se produira pas. En tout cas tant que nous serons là pour le leur rappeler.

Maryam Namazie (Traduit par Ni patrie ni frontières)

Notes

1. Nous reproduisons ci-après les informations du site Solidarité Irak :
2.
« Agée de 22 ans, cette jeune femme est actuellement menacée par la République islamique iranienne d’être pendue. Elle a déjà passé trois ans en prison pour l’accusation d’avoir assassiné sa belle-mère à l’aide d’un couteau de cuisine. (…) Kobra est elle-même une victime de la pauvreté et de l’injustice. Elle est née et a grandi dans une famille qui ne pouvait pas assurer le strict minimum vital pour tous ses membres. Son père est âgé et l’un de ses frères est handicapé et il n’y a pas de système d’aide sociale pour ceux qui sont dans le besoin. Kobra a dû renoncer à son projet d’aller à l’université, et pour permettre d’aider sa famille à survivre, elle a épousé un homme de quarante ans son aîné. Mais sa vie ne s’est pas améliorée ; en effet, elle était sans arrêt insultée et maltraitée par son mari et sa belle-famille.

3. « Il a été arrêté et emprisonné une fois pour maltraitance physique et sexuelle envers sa femme. D’après le témoignage de Kobra, lors du dernier incident, sa belle-mère l’aurait attaquée alors qu’elle tenait un couteau de cuisine. Kobra affirme qu’elle a tué sa belle-mère par autodéfense.
4.
« La misère et la vie de Kobra Rahmanpour ne sont pas uniques. Kobra fait partie de ces centaines, voire de ces millions de jeunes, en particulier les femmes, dont les vies, la jeunesse et les projets sont ruinés par le régime islamique. Les autorités iraniennes ne sont pas aptes à juger quelqu’un comme Kobra. Ces gens sont eux-mêmes les plus déplorables criminels du monde. Ils pourraient être jugés pour le terrible enfer qu’ils ont créé pour ceux qui vivent en Iran.

« De plus, la condamnation à mort, quelles qu’en soient les raisons, est un acte inhumain, et le gouvernement iranien détient le record dans ce domaine. Pour sauver la justice, nous devons sauver Kobra Rahmanpour. (…) »