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Laicité et athéisme riment PARFOIS avec racisme

A propos de trois faits divers rapportés sur les sites atheisme.org et Respublica par Jocelyn Bézancourt, Mireille Popelin et Jean-François Chalot.

Article mis en ligne le 1er mai 2017

« Caïds » du 9-3,

« islamistes » de 8 ans

et mosquées « clandestines » !

Si la défense de l’athéisme, du rationalisme et du matérialisme scientifique nous semble essentielle pour la libération de l’humanité, tous les arguments et toutes les alliances ne sont pas pour autant les bienvenues notamment contre ceux qui manipulent l’islam à des fins politiques, qu’il s’agisse de l’extrême droite islamiste (Hamas, FIS, Hezbollah, Frères musulmans), de l’extrême droite française (Le Pen, De Villiers) ou de la gauche ou de l’extrême gauche théophiles (ATTAC, Monde diplomatique, MRAP, Indigènes de la République et certains courants de la LCR). En effet, il existe une règle élémentaire en politique : « Les ennemis de mes ennemis ne sont pas forcément mes amis. » En clair, quand Jocelyn Bézancourt et Mireille Popelin se servent de faits divers isolés, exactement comme les journaleux d’extrême droite de Minute, Présent, Rivarol et autres torchons racistes, il faut dénoncer l’argumentaire de ces « athées » et de ces « laïques » avec la plus grande fermeté, même s’ils semblent - superficiellement - partager les mêmes valeurs humanistes et universalistes que nous.

Commençons par Respublica (site de la « Gauche laïque, républicaine et sociale ») et un article de Mireille Popelin, collaboratrice régulière de Respublica et membre de l’UFAL (l’Union des familles laïques), paru le 2 mars 2007. Que nous raconte cette femme « de gauche » ? Dans la rubrique « Débats républicains » elle intitule son billet crapuleux « Des violences urbaines sur piste de ski ». On remarquera le sensationnalisme du titre. Avec un tel sens de la formule, Mme Popelin devrait trouver facilement du boulot dans une feuille de chou national-sécuritaire.

« Huit adolescents (15 à 17 ans) de Seine-Saint-Denis qui bénéficiaient d’un séjour ski (les veinards !) géré par "Vacances Voyages Loisirs" ont remercié à leur façon les généreux donateurs qui leur ont payé ces vacances à la montagne. »

On remarquera, dès le début de l’article, l’opposition entre les « généreux donateurs » et des ados forcément ingrats et (comme la suite le montrera) barbares.

« Sur la piste d’abord : un pauvre vacancier hollandais accusé d’avoir fait tomber le snowboard de l’un d’eux, le ton monte, un skieur de 20 ans s’interpose. Il est roué de coups, poings, bâton, chaussures de ski. Interceptés par les gendarmes. Retour au centre. Le directeur leur annonce qu’ils vont être renvoyés chez eux. Que croyez-vous qu’ils firent, ces adolescents ? (Sûrement victimes de discrimination en Seine-Saint-Denis.) »

Mireille Popelin ne se pose aucune question sur la version des témoins et des gendarmes. Les braves skieurs et les gentils flics disent toujours la vérité, c’est bien connu. Plus grave, elle introduit hypocritement une allusion à la couleur de la peau ou à l’origine étrangère des agresseurs ou de leurs parents. Pour couronner le tout, elle se permet de disqualifier l’idée même qu’il puisse y avoir des discriminations racistes en Seine-Saint-Denis. Il n’est bien sûr pas question de soutenir ou d’excuser de tels comportements - s’ils sont avérés - avec des discours abstraits du genre « C’est la faute à la société » ou plus tacticiens : « Faut pas en parler, sinon cela va faire le jeu du FN. » Mais Mireille Popelin, en insinuant qu’il existe un lien de cause à effet entre l’origine ethnique ou nationale des agresseurs et leur acte condamnable franchit la ligne jaune qui sépare la dénonciation d’un acte de violence d’une interprétation raciste de cet acte.

« Ils s’en prennent aux locaux, ils cassent tout, les vitres, le mobilier, un cuisinier est blessé par un verre. Les gendarmes arrivent à 8 : caillassés, insultés, jets de bouteilles, comme dans leur quartier, en Seine-Saint-Denis ! »

Et rebelote, sur la Seine-Saint-Denis, le 9-3 : puisque ces jeunes proviennent de ce département, tout s’explique, pas besoin de réfléchir plus loin. Dans leur quartier, ils utilisent la violence, à la montagne ils continuent. Ben voyons... Fils de prolos, hâtez-vous de déménager dans les beaux quartiers, sinon Mireille Popelin va vous dénoncer aux flics comme délinquants, de père en fils.

« Les adolescents ont fini par être maîtrisés par 38 gendarmes arrivés en renfort. Et ce sera 48 heures de garde à vue. Peut-être à leur arrivée, dans leur quartier de Pierrefitte-sur-Seine, y aura-t-il une marche de soutien à ces pauvres adolescents victimes de brutalités policières ? »

Notre « laïque » antiraciste récidive : non seulement il n’existe pas de discriminations en France, mais pas non plus de brutalités policières ! L’UMP ou le syndicat Alliance devrait la recruter, fissa !

« Vous souvenez-vous du nombre des adolescents ? Ils étaient huit. Ils ont provoqué ces violences dans la station de ski de Châtel contre 2 skieurs, 1 directeur de Centre de vacances et 38 gendarmes. Croyez-vous que ces adolescents (comme en Seine- Saint-Denis) craignent le karcher de Sarkozy ? Non seulement ils jouent les caïds dans leur quartier et imposent leur loi, mais ils jouent les caïds aussi ailleurs, quand les communes compatissantes leur offrent des vacances que bien des travailleurs précaires NE PEUVENT PAS SE PAYER ! Ils n’ont pas peur de Sarko, auraient-ils peur de Ségo ? Il faudra bien faire autrement pour régler les problèmes des banlieues ! »

Cette militante « de gauche » oppose d’un côté les « caïds » de Seine-Saint-Denis (car bien sûr le 9-3 n’est peuplé que de « caïds ») et de l’autre les enfants des « travailleurs précaires ». Pas besoin d’être très malin pour reconnaître ici l’opposition classique entre les jeunes « Maghrébins » ou les « enfants d’immigrés » (tous chefs de gang évidemment), d’un côté, et les enfants des « travailleurs précaires » franco-français de l’autre (tous victimes du « racisme anti-Blancs »). Et Mme Popelin de conclure :

« Il y a des statistiques dont on ne parle pas (est-ce un hasard ?). Les derniers chiffres publiés par l’Observatoire national de la délinquance : + 9,9 % en Seine-Saint-Denis, + 9,7% dans le Rhône. »

Que cette dame se rassure. Le Pen et de Villiers en parlent tous les jours de ces fameuses statistiques qui seraient occultées, selon elle !

Après la dénonciation des ados du 9-3,

la dénonciation d’islamistes de... 8 ans !

Sous un titre racoleur (« Un enfant de huit ans tabassé pour avoir mangé du porc à la cantine de l’école », site Respublica, 13 mars 2007) voici ce qu’écrit le responsable du site atheisme.org., auteur de plusieurs ouvrages critiquant la religion et l’Eglise catholiques, conférencier dans toutes sortes d’événements prétendant défendre la laïcité d’un point de vue « de gauche » et parfois même invité de la Fédération anarchiste.

« Mohammed, huit ans, a la chance de n’avoir pas été élevé dans la phobie maladive du porc », écrit monsieur Bézancourt.

Première remarque : cet « écrivain » et « journaliste » ignore qu’une « phobie » est forcément « maladive ». Mais derrière l’ignorance (ou la redondance volontaire) se cache un procédé profondément malhonnête : attribuer un choix alimentaire à une forme de déséquilibre mental et de maladie. Ce procédé est parfaitement crapuleux.

Monsieur Bézancourt devrait d’autant mieux connaître ce procédé qu’il est utilisé par tous ceux qui ont inventé le douteux concept d’ « islamophobie », et qui confondent hypocritement le criminel racisme anti-Arabes (cf. les innombrables « bavures » policières en France qui se terminent par la mort de jeunes, ou de moins jeunes, « immigrés » ou fils de travailleurs immigrés) et la critique parfaitement justifiée et nécessaire de la religion musulmane, comme de toutes les religions. Ce sont ces gens-là qui ont popularisé l’usage du terme de « phobie » dans le débat politique pour disqualifier leurs adversaires.

Mais il faut aller plus loin. Les interdits alimentaires des religions ont souvent une base rationnelle (par exemple, le porc était un animal qui pouvait être plus facilement vecteur de maladies il y a quelques siècles), même si avec le temps ces interdits ont pu se transformer en croyances irrationnelles voire même en « phobies ». Après tout il existe aussi des végétariens, des « vegans », et toutes sortes de gens non religieux qui prônent des choix alimentaires qui peuvent nous paraître bizarres ou farfelus, à nous grands bouffeurs de curés et de steaks saignants. On peut ne pas partager leurs choix alimentaires mais pourquoi les stigmatiser ou les ridiculiser ? On peut et même, en tant qu’athées, on doit critiquer les religions, mais leurs interdits alimentaires constituent-ils l’aspect le plus nocif de leurs croyances pour la société ? Certainement pas. Continuons notre lecture édifiante :

« A la maison on mange du cochon sans la peur idiote de quelque châtiment divin. Dans son école située à Paris, logiquement, il souhaitait faire de même. Mais c’était sans compter l’intolérance propre aux préceptes religieux : manger du porc n’était pas du goût des autres enfants de son âge d’origine maghrébine. »

Arrêtons-nous un instant sur le contenu de cette prose « laïque ». Notre scribouillard athée ne nous donne que peu de détails sur l’école en question. Dans quelle classe étudie cet élève ? A-t-il des problèmes avec ces camarades de classe et lesquels ? Ces agresseurs ont-ils eux-mêmes des problèmes avec leurs enseignants, avec leurs parents et lesquels ? D’où viennent ces problèmes ? On ne le saura pas. Apparemment ce qui intéresse monsieur Bézancourt, ce n’est pas de comprendre le contexte de cet acte de violence, c’est d’attaquer gratuitement des enfants « maghrébins » et des parents « musulmans », parents et enfants qui ne pourront pas se défendre puisque son article ne donne aucune localisation précise.

La manipulation des faits divers est une des armes favorites des politiciens de droite et d’extrême droite qui aiment se réfugier derrière des faits, imaginaires ou réels 2), tirés de la vie quotidienne de leurs électeurs. C’est avec ce même « bon sens » prétendument candide qu’aux Etats-Unis certains politiciens citent benoîtement les statistiques concernant le nombre de Noirs condamnés à mort ou de ceux arrêtés pour viol, assassinat ou appartenance à un gang. Aux lecteurs ou aux auditeurs d’en tirer ensuite les conclusions... Les politiciens démagogues ne sont pas responsables des préjugés racistes qu’ils entretiennent ainsi. La seule information que nous délivre monsieur Bézancourt est qu’il s’agit de « musulmans ». Diable à huit ans, dans une école française, on aurait déjà affaire à de véritables petits oulémas, des docteurs de la Loi religieuse, qui lanceraient des fatwas contre leurs camarades ? Si la relation de ce fait divers ne servait pas à entretenir les préjugés anti-musulmans et anti-Maghrébins, on pourrait en rire, tellement les motivations attribuées à ces gamins de 8 ans sont ridiculement disproportionnées avec le niveau de conscience et l’âge d’enfants d’une école élémentaire.

Et monsieur Bézancourt de poursuivre : « Et, en conséquence, ces derniers l’ont tabassé ! La justice islamique s’invite dans les cours de récréation... »

Vous avez bien lu : la « justice islamique » ! Des gamins de 8 ans auraient créé un tribunal islamique dans la cour de récréation d’une école élémentaire parisienne ! Amis lecteurs, nous sommes désolés de vous infliger la lecture de ce pensum, mais il faut aller jusqu’au bout de ce texte qui suinte la haine et le mépris :

« Par peur des petits minables soumis à des interdits alimentaires qui ne sont que le reflet des névroses parentales, le petit Mohammed a alors cessé de consommer du porc à la cantine de l’école. »

En bon sarkozo-blairo-« royaliste », monsieur Bézancourt attribue un déplaisant incident survenu dans une cour d’école à des « névroses parentales » et qualifie leurs enfants de 8 ans de « minables ». Haro sur les parents (credo de tous les politiciens de droite comme de gauche) + Haro sur les parents maghrébins + Haro sur les parents musulmans ! La totale, en moins de dix lignes de fiel. Dans son dernier livre (Le Choc des préjugés), Caroline Fourest démonte assez efficacement ce qu’elle appelle des « postures » et des « préjugés » - et qui pour nous sont beaucoup plus que le simple résultat de l’ignorance ou de malentendus. On ne peut innocemment, comme Caroline Fourest le fait, mettre sur le même plan les « postures sécuritaires » de l’Etat et des partis bourgeois avec les « postures victimaires » maladroites de certains exploités. Mais son livre peut permettre d’engager un débat fructueux. En lisant les articles écœurants que nous avons intégralement cités dans ce texte, espérons que Caroline Fourest saura, à l’avenir, mieux choisir ses amis politiques et prendre sa plume pour manifester son désaccord radical avec de tels procédés malhonnêtes qui déconsidèrent le combat pour la laïcité et l’athéisme, et contre le racisme, combat que prétendent mener l’UFAL, la Gauche républicaine et sociale et Jocelyn Bézancourt.

14 mars 2007

(Y.C., Ni patrie ni frontières n° 18-19-20, mai 2007)

1. C’est ainsi que, dans les semaines suivant les émeutes de 2005, on vit M. Philippe de Villiers répéter à plusieurs reprises que, pour venir à l’émission où il était invité, il avait pris un taxi dont le chauffeur (tantôt portugais, tantôt polonais) était hostile à l’afflux de nouveaux immigrés en France. Bien sûr, aucun journaliste n’attira l’attention des téléspectateurs sur le caractère douteux de ces « anecdotes » présentées comme des faits authentiques.

P.S. Poursuivant sa chasse aux faits divers croustillants, l’UFAL a encore récidivé le 16 mars 2007 dans un communiqué intitulé « Des intégristes ouvrent illégalement une mosquée à Champ-sur-Marne. » L’auteur de l’article commence bien sûr par expliquer, en bon jésuite, que « personne ne remet en cause la liberté de culte et surtout pas les habitants de l’allée des Sorbiers de Champ-sur-Marne ».

La preuve ? « Dans le quartier, les habitants de toutes origines vivent en bonne intelligence, beaucoup d’ailleurs se retrouvent au Centre social Georges Brassens. » Sauf erreur, le « Centre social Georges Brassens » n’est pas une mosquée.

Donc l’argument ne tient pas la route : en fait, ce qui gêne M. Chalot c’est que ce sont des « salafistes ».

Le salafisme est-il une idéologie religieuse réactionnaire ? Oui, bien sûr. Est-il interdit d’être salafiste en France ? Non. Même si Chalot en écrivant que les « salafistes ne respectent pas les lois » mélange le fait que ces intégristes musulmans ont menti pour acheter leur local (quel est le locataire qui n’en a pas fait autant ?) et que (ô crime terrible !) ils ont effectué des travaux sans permis de construire (combien de prolétaires ont-ils agi comme eux pour agrandir leur pavillon ?), avec le fait que les salafistes auraient commis des « violations » beaucoup plus graves des lois. Lesquelles ? Mystère. Tout est dans le sous-entendu venimeux.

Mais ce que Chalot ne nous dit pas, Le Monde nous l’apprendra 5 jours plus tard, le 21 mars. En fait ce sont les réacs du coin qui se sont mobilisés parce que, selon eux, la présence d’un centre salafiste ne permettrait pas de préserver le caractère « commercial et professionnel » de leur local (un argument typique de copropriétaires jaloux) et que cela « déstabiliserait » « l’écosystème local », comme dit M. Stephane Beraza qui habite au-dessus du local.

Qu’en termes élégants, ces choses-là sont dites ! M. Beraza devrait refiler ses métaphores racistes sur l’ « écosystème local » aux idéologues de la droite extrême. Ceux-ci apprécieraient certainement cette nouvele trouvaille sémantique.

Chalot affirme que la présence de ce local risque de « générer des tensions et nuire aux relations entre les habitants du quartier ». Avec ce genre de préjugés, on ne voit guère où des salafistes portant djellabas blanches (kamis) et burkas pourraient s’installer sans susciter de remous, à part dans les catacombes de Paris ou dans une mine désaffectée du Nord de la France... Une suggestion, M. Chalot ? Un p’tit charter de salafistes, par exemple ?

Et notre prétendu démocrate laïque de conclure : « Il y a là un risque de communautarisme qui peut conduire à détricoter le lien social qui s’est construit entre tous les habitants au-delà de leurs origines. »

On ne luttera pas contre le « communautarisme » - réel ou imaginaire - de certains, musulmans ou pas, en empêchant des religieux réactionnaires de se réunir. C’est bien au contraire par de telles campagnes poujadistes et démagogiques que l’on pousse les "musulmans" (pratiquants ou pas) dans les bras des plus réacs d’entre eux par solidarité religieuse ou nationale.

PPS du 28 mars 2007

Toujours sur l’affaire de Champs-sur-Marne on notera le communiqué de la député UMP Chantal BRUNEL du 24 mars : « Je suis partisane de la possibilité pour les musulmans de pratiquer leur religion et de se faire construire des lieux dans le respect de la légalité et des valeurs de la République. Mais ces opérations doivent se monter en concertation avec les gens qui habitent autour. On ne peut ouvrir une mosquée clandestinement. » Sans commentaires....