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Ce que disent et font les Palestiniens et les Israéliens de gauche (Standing Together)
Article mis en ligne le 21 novembre 2023

Déclaration de Standing Together (2 novembre 2023)

Qui sommes-nous ?

Standing Together est un mouvement de base, progressiste, qui mobilise les citoyens juifs et palestiniens d’Israël contre l’occupation et pour la paix, l’égalité et la justice sociale. Nous savons que la majorité a bien plus en commun que ce qui nous différencie et que seule une infime minorité bénéficie du statu quo. L’avenir que nous voulons – la paix et l’indépendance pour les Israéliens et les Palestiniens, l’égalité totale pour tous sur cette terre et une véritable justice sociale, économique et environnementale – est possible. Pour y parvenir, nous devons résister ensemble pour former un front uni : Juifs et Palestiniens, laïques et religieux, Mizrahi et Ashkénazes, ruraux et urbains, et personnes de tous les genres et orientations sexuelles.

En tant que plus grand mouvement de base, judéo-arabe, en Israël, nous nous engageons à créer une solution alternative à notre réalité actuelle et à construire la force politique qui rendra cette transformation possible.

La guerre en Israël/Palestine
Le mois d’octobre a été un cauchemar sans fin. Nous tous, Juifs et Palestiniens, en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, nous avons subi des pertes et des traumatismes sans précédent. Les horribles attaques du Hamas du 7 octobre 2023 ont provoqué la mort de plus de 1 400 Israéliens [environ 1200, selon les derniers calculs du gouvernement israélien, le 20/11/2023, NdT] et la capture de plus de 200 otages. Les représailles brutales et aveugles d’Israël sur Gaza ont fait plus de 9 000 morts [12 300 selon les derniers chiffres, le 20/11/2023, NdT], dont une grande majorité de civils non armés. Nous savons que le plan du gouvernement israélien visant à « éradiquer le Hamas » va échouer et qu’il n’améliorera la sécurité d’aucun d’entre nous, qu’il soit juif ou palestinien.
Il ne fera que provoquer des milliers de morts palestiniens supplémentaires tout en mettant en danger la vie des communautés frontalières, des otages et des soldats israéliens. L’escalade impitoyable du gouvernement d’extrême droite a également encouragé la violence des colons en Cisjordanie. Les raids militaires israéliens dans les Territoires occupés sont devenus de plus en plus fréquents et meurtriers : plus de 100 Palestiniens (près de 200 le 20/11/2023, NdT) ont été tués depuis le 7 octobre et le nombre de détentions administratives a augmenté de 100 %.

En Israël, nous assistons à une répression intense contre les citoyens palestiniens, les militants opposés à l’occupation et toute expression contre la guerre. Des citoyens palestiniens sont régulièrement licenciés de leur travail et expulsés de leurs universités pour avoir simplement exprimé leur inquiétude pour les civils de Gaza. En outre, nous assistons à une augmentation des agressions physiques contre les citoyens palestiniens et juifs qui dénoncent les injustices de cette guerre.

Notre message est simple : il existe une autre solution.

Nous avons vu notre pays lancer d’innombrables guerres et opérations militaires qui ont toutes abouti à la même situation. La politique d’Israël, qui consiste à tenter régulièrement de détruire les capacités militaires du Hamas, n’a fait que renforcer le Hamas. Aucune opération militaire n’a jamais amené une sécurité et une sûreté durables pour les Israéliens, et encore moins pour les Palestiniens. L’occupation de la Cisjordanie et le blocus de Gaza doivent
cesser, car ils nuisent aux Palestiniens et ne garantissent aucune sécurité réelle aux Israéliens.

Seul un accord de paix négocié pourra garantir la sécurité, la liberté et l’égalité pour les deux peuples. En tant que mouvement de base, progressiste, nous nous attachons à renforcer la volonté politique de la société israélienne afin de parvenir à une solution politique en créant un mouvement de masse des citoyens juifs et palestiniens qui croient sincèrement qu’un tel avenir commun est possible.

La réponse de Standing Together à la guerre
Étant le plus important mouvement de base, judéo-arabe, en Israël, nous donnons la priorité à quatre initiatives :

1. La désescalade en Israël : nous diffusons des messages de solidarité ; nous formons des groupes pour organiser l’entraide ; et nous aidons nos communautés à se protéger contre les violences intercommunautaires.

2. Le soutien aux étudiants palestiniens et juifs qui sont expulsés des universités israéliennes, licenciés de leur travail ou menacés pour avoir exprimé leur sympathie à l’égard des civils palestiniens sur les réseaux sociaux.

3. Le retour des otages  : nous soutenons les revendications des familles d’otages et des familles qui ont perdu des êtres chers et qui exigent un cessez-le-feu et un accord sur les otages. Nous faisons pression sur notre gouvernement pour qu’il donne la priorité au retour des otages plutôt qu’à des attaques aveugles contre Gaza.

4. Des campagnes publiques pour influencer le discours sur la guerre : nous voulons renforcer les appels sur les réseaux sociaux, au niveau national et international, pour condamner le meurtre de civils innocents en Israël, à Gaza et en Cisjordanie. Nous voulons diffuser des messages en faveur de la paix, du maintien de l’humanité, du respect du deuil pour toutes les vies perdues et du rejet de la guerre et de la violence.

Nos principales initiatives concrètes

1. Un réseau de solidarité judéo-arabe : En utilisant notre infrastructure organisationnelle existante et nos membres, nous avons construit un réseau national de groupes de solidarité impliquant plus de 5 000 citoyens juifs et palestiniens. Notre réseau de solidarité a lancé plusieurs initiatives concrètes :
– une patrouille "Solidarity Watch", qui accompagne les personnes qui craignent de quitter leur domicile et rappelle publiquement la nécessité de la collaboration judéo-arabe ;
– la mise en commun des efforts pour l’aide humanitaire et l’entraide mutuelle, y compris le nettoyage des abris et la collecte de nourriture pour les personnes dans le besoin ;
– des réunions physiques et virtuelles pour permettre des discussions ouvertes et sûres ; – des réunions avec des représentants de la société civile et des organisations de la société civile.
– Des réunions physiques et virtuelles pour permettre des discussions sûres et ouvertes avec des psychologues qualifiés.
– Surveiller et signaler les appels à la violence, à la discrimination et aux fausses nouvelles dans les réseaux sociaux et les médias traditionnels et les signaler aux autorités.
– Faire pression sur la police locale et les médias pour qu’ils interviennent dans les cas de violence intercommunautaire.
– Promouvoir des messages positifs et un discours de solidarité sur le terrain
– Former des personnes pour désamorcer les discussions qui sont potentiellement incendiaires dans des espaces partagés tels que les lieux de travail et les établissements scolaires.

2. Nos sections étudiantes  : Avec l’ouverture prochaine de l’année universitaire, nous nous préparons à utiliser notre réseau de neuf sections étudiantes pour lancer un réseau national élargi qui poursuivra les initiatives suivantes :
– Formation virtuelle avec des psychologues, des avocats et des organisations de défense des droits de l’homme pour fournir un soutien juridique et de santé mentale.
– Réunions de solidarité communautaire sur les campus pour désamorcer les tensions intercommunautaires sur le campus.
– Surveillance et signalement des appels à la violence, à la discrimination et aux « fake news » sur les campus universitaires.

3. Notre ligne d’assistance téléphonique : plus de 300 de nos bénévoles apportent un soutien en arabe et en hébreu aux personnes victimes de racisme, de discrimination, de licenciement ou d’expulsion des universités. La ligne d’assistance téléphonique met les personnes en contact avec des ressources pertinentes en matière de santé mentale et d’aide juridique, et leur enseigne des techniques de désescalade.

4. Des réunions d’urgence pour promouvoir la solidarité judéo-arabe : Nous organisons des réunions dans tout le pays, réunissant des centaines de citoyens juifs et palestiniens pour discuter de notre douleur commune, de l’impact de la guerre sur notre société et de la manière d’engendrer de l’espoir et de la solidarité en ces temps sombres. Ces réunions ont déjà permis de développer rapidement les réseaux de citoyens juifs et palestiniens qui œuvrent en faveur de la solidarité et de la paix.

***

Extraits du débat du 24 octobre 2023

Le 24 octobre, les dirigeants de Standing Together (https://www.standing-together.org/en.), Sally Abed et Uri Weltmann, ainsi que l’éducateur et militant palestinien Kefah Abukhdeir et la militante israélienne Yael Berda, qui soutient l’initiative « Une terre pour tous », se sont exprimés lors d’une discussion en ligne organisée par des militants aux Etats-Unis. Nous reproduisons ci-dessous des extraits de leurs commentaires légèrement réécrits, dont certains répondent à des questions du modérateur et ne reflètent donc pas nécessairement des remarques « préparées ». Le webinaire peut être visionné sur YouTube

Sally Abed
Je m’identifie comme un citoyen palestinien d’Israël. En particulier ces jours-ci, malheureusement, l’ethos, la définition politique de qui est « israélien » ne m’inclut absolument pas [...] J’ai une très grande responsabilité ici, en tant que membre de 20 %, ou 17 %, des citoyens d’Israël ; et vous avez dans ce panel des habitants de Jérusalem-Est comme Kefah qui ne sont pas des citoyens, mais des résidents. [...]

Je suis un militant de la justice sociale [...] Comment puis-je dialoguer avec celles et ceux qui ne sont actuellement pas convaincus, qui n’ont même pas la volonté politique d’accepter que je suis Palestinien et de reconnaître mon histoire et mon récit, et les amener de notre côté, de mon côté, à reconnaître cela ? C’est un travail très différent de celui que mènent les Palestiniens à l’étranger, ou même dans les Territoires occupés ou à Gaza. Je ressens cette responsabilité parce que j’ai le privilège de vivre dans une sorte de semi-démocratie. [...]

En ce moment, dans ces moments très polarisés, il est difficile de rester au milieu, alors que mon peuple est massacré brutalement, que nous sommes réduits au silence ici en Israël, que nous sommes persécutés, arrêtés, licenciés de notre travail et expulsés des universités, même pas pour avoir dénoncé l’occupation, l’apartheid ou les attaques brutales contre Gaza... En ce moment, on criminalise même de simples expressions de solidarité avec des personnes et des enfants. [...]

Je vis à Haïfa. Dans cette ville, il existe des groupes de civils organisés et lourdement armés par notre ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui est un suprémaciste juif ouvertement kahaniste (1). Il est extrêmement difficile de faire face aux persécutions auxquelles nous sommes confrontés sans pouvoir exprimer notre traumatisme collectif en tant que Palestiniens, mais aussi en vivant le traumatisme de la société israélienne. Mes amis très proches, mes amis, voisins et collègues juifs ont été profondément touchés par l’attentat du 7 octobre. C’est donc probablement l’une des expériences les plus complexes à vivre, mais à bien des égards, c’est, à mon avis, l’un des espaces les plus critiques à maintenir et à conserver. [...]

Le 24 octobre, nous nous sommes réveillés après la nuit la plus sanglante jamais vécue à Gaza. [...] C’est tout simplement déchirant de voir cela et de se sentir si désespéré et impuissant à faire quelque chose, surtout ici, en Israël, en tant que Palestinien. [...] Il faut transmettre un message très important à tout le monde : en Israël, il y a des Palestiniens qui vivent la même expérience, les mêmes pertes humanitaires et la même catastrophe que les Israéliens ont vécues.

Notre cause, la libération de la Palestine, est une cause très juste. Toutefois, nous ne pouvons justifier les mesures extrêmes prises par le Hamas pour la faire avancer. L’une des choses les plus importantes que nous devons défendre en ce moment, en tant que mouvement de libération palestinien et en tant que Palestiniens, c’est notre droit à tous, en tant que civils, à la vie et à la sécurité. Je veux vraiment défendre cette idée très, très fermement. Ecoutez-nous. Écoutez les gens sur le terrain, ici en Israël. Nous sommes souvent négligés. Nous voyons des cas étonnants d’empathie radicale à notre égard, empathie exprimée par des victimes, des victimes israéliennes, qui ont perdu des êtres chers (2), qui ont des personnes en captivité en ce moment même, qui revendiquent cependant un cessez-le-feu, qui appellent toujours à la fin de l’occupation et qui réclament toujours à la paix. [...]

Les discussions à l’étranger autour de la libération palestinienne sont assez académiques, elles évoquent la décolonisation et la résistance d’une manière très théorique, ce qui ne veut pas dire que je nie leurs mérites et tout ce qu’elles ont fait pour le mouvement de libération palestinien à l’étranger. Cependant, il est essentiel, surtout maintenant, après le 7 octobre et après que beaucoup de ces mouvements ont échoué à défendre l’humanité des Israéliens juifs qui vivent sur cette terre... il est plus important que jamais d’établir le lien entre nos efforts ici sur le terrain en Palestine et en Israël et ce qui se passe à l’étranger. Ces idées théoriques sur la libération doivent être traduites d’une manière ou d’une autre dans la manière dont nous construisons le capital politique au sein de nos sociétés pour faire ces choses, pour décoloniser. Tendez-nous la main et travaillons ensemble pour créer une discussion bien meilleure et plus constructive.

Uri Weltmann
Standing Together a mis en place des groupes locaux dans tout le pays, appelés Réseaux de solidarité judéo-arabe ou Garde de solidarité judéo-arabe, afin de se préparer au fait que les dirigeants politiques de l’État israélien souhaitent un affrontement entre les citoyens juifs et palestiniens à l’intérieur d’Israël.

Itamar Ben-Gvir, le ministre nationaliste le plus extrémiste qui ait jamais présidé un gouvernement israélien, se prépare ouvertement à un scénario similaire à celui de mai 2021.Il a distribué des armes et incité les gens à former des milices locales dans les grandes villes mixtes comme Jaffa, Haïfa, Acre et Lod. Il s’agit là d’une évolution très périlleuse.

Ainsi, plutôt que de rester spectateurs et de laisser la droite prendre l’initiative et pousser dans cette direction dangereuse, nous, à Standing Together, avec d’autres partenaires, avons travaillé sur le terrain pour mettre en place ces réseaux de solidarité, rassembler des voisins juifs et arabes de différents quartiers de la même ville (ou vivant dans des villes adjacentes), stimuler la solidarité, organiser l’aide mutuelle, promouvoir l’égalité et l’antiracisme dans la sphère publique.[...]

Certains de nos groupes ont également été confrontés à la répression de l’État. A Jérusalem-Ouest, des militants de Standing Together juifs et palestiniens, ont été arrêtés par la police. Leur crime ? Ils avaient collé des affiches sur lesquelles on pouvait lire : « Juifs et Arabes, nous nous en sortirons ensemble. » [...] Cela montre quelle est l’atmosphère politique à l’intérieur d’Israël en ce moment […].

Depuis le début de l’escalade, nous avons été submergés par des centaines de personnes qui se sont tournées vers nous, des citoyens arabo-palestiniens d’Israël, des étudiants qui avaient fait l’objet de procédures disciplinaires parce qu’ils avaient, par exemple, changé leur profil Facebook pour une photo proclamant « Arrêtez la guerre » en hébreu, en arabe et en anglais. Soudain, ils ont reçu un courriel de leur université leur annonçant qu’ils étaient suspendus et qu’ils risquaient des poursuites disciplinaires parce qu’ils « soutenaient le Hamas ». Nous avons été contactés par des travailleurs arabes employés dans des lieux de travail mixtes où des travailleurs juifs et palestiniens travaillent ensemble, des hôpitaux, des municipalités, et ailleurs qui subissent la répression, qui font face à des procédures disciplinaires pour avoir « liké » une page Instagram qui soulignait la souffrance des enfants et des civils innocents à Gaza.[...]

Depuis des années, les forces d’extrême droite essaient constamment de judaïser les villes mixtes. Certains groupes tentent de créer une atmosphère intolérante à l’égard des résidents arabes. En mai 2021, dans des endroits comme Jaffa et Lod, certains d’entre eux ont pris les armes et ont provoqué des violences contre leurs voisins arabes, qu’ils ont blessés et parfois même tués. Cela s’est passé en 2021 quand Itamar Ben-Gvir était seulement un député isolé de l’opposition ; or, il est aujourd’hui ministre de la Sécurité nationale, en charge de la police. Il a donc beaucoup plus de pouvoir entre les mains pour faire avancer son dangereux programme. [...]

Depuis 2005, les gouvernements israéliens ont mené seize opérations militaires majeures contre la population de Gaza. Aucune de ces actions n’a apporté la sécurité aux Israéliens. Elles n’ont fait que décimer la population de Gaza, en coûtant la vie à de nombreux innocents, y compris des enfants, et chacune de ces attaques n’a fait que préparer la prochaine opération militaire importante. Je crains que nous ne prenions la même direction et que notre gouvernement ne nous pousse à une nouvelle série de violentes effusions de sang, à une nouvelle série de terribles pertes en vies humaines à Gaza et à une nouvelle série d’atteintes à la sûreté et à la sécurité des personnes vivant en Israël.

Nous devons prendre une direction totalement différente. Nous devons rechercher une paix israélo-palestinienne fondée sur les résolutions de l’ONU. Nous devons aller vers la fin du siège de Gaza et de l’occupation ; nous devons garantir l’indépendance,la liberté et la justice pour les deux peuples. C’est ce que fait Standing Together, et nous n’agissons ni sur la côte Ouest, ni sur la côte Est des Etats-Unis, ni en Europe. Nous militons au sein de la société israélienne, en organisant des citoyens juifs et palestiniens d’Israël, ce qui, selon nous, est la seule façon dont doit procéder un mouvement pacifiste israélien.

Kefah Abukhdeir
Les gens doivent savoir à quel point nous sommes intimement liés en tant qu’Israéliens et Palestiniens. Israël doit savoir que les Palestiniens le voient tous les jours. Nous les regardons dans les yeux et c’est nous qui les connaissons le mieux. Nous les avons vus en uniforme. Nous les avons vus nous occuper. Nous les voyons tous les jours, dans les moments fugaces où nous nous croisons. Je les vois tous les jours lorsque les Israéliens envoient leurs enfants dans mon quartier et que je me réveille avec leurs enfants en uniforme, en train de nous occuper. Je les vois aux points de contrôle, je les vois à l’université, je les vois dans différents endroits.

De quoi avons-nous besoin en ce moment ? Nous avons besoin que les Palestiniens soient protégés, qu’ils puissent agir librement, qu’ils jouissent de l’égalité et de l’équité, qu’ils puissent parler aux Israéliens et obtenir une certaine forme de justice. Je ne veux pas que le sang coule, même si nous tous, les membres des deux sociétés [...] nous essayons de ne pas devenir fous avec tout ce que nous avons vu [...]. Nous avons deux projets nationaux qui ont échoué et qui sont maintenant essentiellement des frères siamois. Il faut que nous arrivions à quelque chose dont nous puissions tous être fiers et que nous trouvions une solution en restant sains d’esprit. Je veux que chacun renonce à sa fierté, aux grandes phrases, à sa position, et que nous essayons d’aller de l’avant. Parce que, à chaque fois que des enfants sont tués, à chaque fois que nous parlons de massacres comme s’il s’agissait d’une sorte de sport... trop c’est trop. Cela doit s’arrêter là. [...]

Israël est un mouvement nationaliste créé par des victimes. Elles ont été rejetées et haïes, elles sont venues chercher refuge en Palestine, et cela s’est transformé en désastre. Notre mouvement a été saboté par cet afflux de gens et nous n’avons jamais pu y faire face. Nous sommes les « victimes des victimes » selon une expression célèbre d’Edward Said. [...] Je veux avoir l’occasion d’explorer cela, de l’aborder. Je ne sais pas où. Relier les questions de justice sociale à la construction de la paix et aux efforts de lutte contre l’occupation... Telle est ma réponse en tant que militant et organisateur.

Yael Berda
Nous devons être capables de voir sur le terrain à quel point nos vies s’entremêlent, sur ce territoire, du fleuve à la mer. Il y a des Israéliens et des Palestiniens. Personne ne va partir nulle part, et nos diasporas ne vont partir nulle part. A moins que nous ne voulions vivre dans une guerre perpétuelle [...] nous devons être capables de comprendre que nous partageons cet endroit. Je sais combien il est difficile de l’entendre. Oui, c’est une colonie de colons... de réfugiés. […] Il n’y a pas de solution militaire. Nous devons parler de solutions politiques, mais avant tout, nous devons arrêter les massacres. [...] D’un côté, nous savons que lorsque la droite s’est efforcée de détruire la possibilité d’une unité palestinienne et d’un accord avec les Palestiniens, elle a décidé notamment de soutenir le Hamas et de lui donner divers moyens de devenir plus fort. Sur les réseaux sociaux, on voit notamment des déclarations de M. Netanyahou et des membres du mouvement sioniste religieux qui ont affirmé que le Hamas était un cadeau pour la droite parce qu’il empêchait la conclusion d’un accord de paix. Les gens continuent à faire ce lien. Le fossé en Israël est énorme, et cela en fait partie.

Mais je dois dire, d’un autre côté, que l’on entend également les gens affirmer qu’ils ne veulent plus aucune complaisance envers le maintien du gouvernement du Hamas à Gaza. Il s’agit d’une question très complexe. Parce que nous en revenons à la question de savoir qui va dire aux Palestiniens comment se gérer eux-mêmes. Je pense [...] qu’il faut être ouvert et ne pas se contenter d’avancer avec des constructions idéologiques [...] mais, en raison de notre sentiment de vulnérabilité et de notre besoin absolu de sécurité, nous devons être capables d’examiner les deux côtés de la question, à la fois les conflits internes et ce que les gens disent.

Si vous avez des mouvements théocratiques de droite qui sont soutenus par d’autres mouvements théocratiques de droite, alors je m’oppose directement à tous ces mouvements [...] dans ma société, c’est sûr, mais beaucoup de mes alliés palestiniens affrontent eux aussi le Hamas. […] Il est très important d’écouter les voix palestiniennes qui expliquent les différents liens [...]. Comme Sally l’a dit, écoutez les gens sur le terrain, écoutez ce qu’ils vous disent.

Nous discutons aujourd’hui alors que le système médical de Gaza s’est effondré il y a quelques heures. Dieu sait ce qui se passe. Les gens veulent vivre. Ils veulent retrouver leurs enfants. Ils veulent que leurs enfants soient en sécurité [...] Ils veulent vivre encore un autre jour ou encore une autre nuit. C’est à cela que nous devons réfléchir lorsque nous pensons à l’avenir, lorsque nous pensons aux possibilités. Je sais que ce n’est pas un programme, mais il s’agit d’une discussion très difficile.

NOTES du traducteur

1. Kahanisme : courant nationaliste-religieux d’extrême droite qui tire son nom du rabbin Meir Kahane, qui fonda la Jewish Defense League aux Etats-Unis (organisation antisoviétique, antinazie et anti-Arabes qui commit divers attentats et meurtres dans les années 1960 et 1970), puis le parti politique Kach en Israël qui fut interdit en 1994 après que l’un de ses militants eut massacré 29 musulmans, à Hébron. Les kahanistes soutiennent la colonisation en Cisjordanie et l’expulsion des Arabes de tout le « Grand Israël » et souhaitent que l’État juif soit fondé sur la loi religieuse. Le parti Force Juive (Otzma Yehudit), dirigé par Itamar Ben Gvir, a repris les thèmes du kahanisme. Aux élections de 2022 il est passé de 6 à 14 sièges et a fait alliance avec le Likoud de Netanyahou (Note du traducteur).

2. Cf. le témoignage d’Orly Noy : « Écoutez les paroles des survivants du massacre du Hamas. Ils ne veulent pas se venger » ( https://npnf.eu/spip.php?article1091 ) (NdT).