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Ni patrie ni frontières
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« Ecoutez les paroles des survivants [du massacre du Hamas ». Ils ne veulent pas se venger."
Un article d’Orly Noy
Article mis en ligne le 25 octobre 2023

« Tout le monde parle d’unité. Les gars, l’unité est une chose terriblement belle, mais sur le terrain, il y a la vengeance et il y a la cruauté... Nous aurons toute notre vie pour faire notre deuil, et nous le ferons. Mais maintenant, nous n’avons qu’un seul but : nous venger et être cruels. »

C’est ce qu’a déclaré le soldat de réserve israélien Guy Hochman - habituellement un artiste et un influenceur en ligne - lors d’une interview sur Channel 12, dans les premiers jours de l’assaut israélien contre la bande de Gaza, à la suite des massacres perpétrés le 7 octobre par les militants du Hamas. En quelques mots, Guy Hochman a exprimé le sentiment qui semble s’être installé en Israël, de l’extrême droite jusqu’à beaucoup de ceux qui s’identifient comme des personnes de gauche : la justification de la catastrophe qu’Israël est en train de faire subir à plus de 2 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza.

Certains justifient leur action par la nécessité de « vaincre le Hamas ». D’autres, comme Hochman, placent une vengeance dévastatrice avant tout. Il est donc d’autant plus remarquable que, face à l’humeur politique dominante, de plus en plus d’Israéliens qui ont survécu aux massacres, ou dont les proches ont été tués ou enlevés à Gaza, se manifestent et expriment une opposition sans équivoque au meurtre de Palestiniens innocents, et disent non à la vengeance.

Dans l’éloge funèbre de son frère Hayim, un militant anti-occupation assassiné dans le kibboutz de Holit, Noi Katsman a appelé son pays à « ne pas utiliser notre mort et notre douleur pour causer la mort et la douleur d’autres personnes ou d’autres familles. J’exige que nous arrêtions le cercle de la douleur et que nous comprenions que le seul moyen [d’avancer] est l’égalité des droits et la liberté. La paix, la fraternité et la sécurité pour tous les êtres humains. »

Ziv Stahl, directrice exécutive de l’organisation de défense des droits de l’homme Yesh Din et survivante du feu d’enfer de Kfar Aza, s’est elle aussi fermement prononcée contre l’assaut israélien sur Gaza dans un article paru dans Haaretz. « Je n’ai pas besoin de me venger, rien ne me rendra ceux qui sont partis, a-t-elle écrit. "Les bombardements aveugles à Gaza et le meurtre de civils non impliqués dans ces crimes horribles ne sont pas une solution ».

Yotam Kipnis, dont le père a été tué lors de l’attaque du Hamas, a déclaré dans son éloge funèbre : : « N’écrivez pas le nom de mon père sur un obus [militaire]. Il n’aurait pas voulu cela. Ne dites pas : "Dieu vengera son sang." Dites plutôt : "Que sa mémoire soit une bénédiction. »

Michal Halev, la mère de Laor Abramov, assassiné par le Hamas, s’est écriée dans une vidéo postée sur Facebook : « Je supplie le monde : arrêtez toutes les guerres, arrêtez de tuer des gens, arrêtez de tuer des bébés. La guerre n’est pas la solution. Ce n’est pas en faisant la guerre que l’on règle les problèmes. Ce pays, Israël, vit l’horreur... Et je sais que les mères de Gaza vivent l’horreur... En mon nom, je ne veux pas de vengeance. »

Maoz Inon, dont les parents ont été assassinés le 7 octobre, a écrit dans Al Jazeera : « Mes parents étaient des gens de paix... La vengeance ne ramènera pas mes parents à la vie. Elle ne ramènera pas non plus les autres Israéliens et Palestiniens tués. Nous devons briser le cycle. »

Lorsqu’un journaliste a demandé à Yonatan Ziegen, le fils de Vivian Silver, ce que sa mère - dont on pense qu’elle a été enlevée - penserait de ce qu’Israël fait actuellement à Gaza, il a répondu : « Elle serait mortifiée. Parce qu’on ne peut pas soigner des bébés morts avec d’autres bébés morts. Nous avons besoin de paix. C’est pour cela qu’elle a travaillé toute sa vie... La douleur, c’est la douleur. »

Dans une vidéo devenue virale, une survivante du massacre du kibboutz de Be’eri, âgée de 19 ans, a prononcé un monologue émouvant sur l’abandon des habitants du sud par le gouvernement : « Le retour des otages. La paix. La décence et l’équité... Certains d’entre vous auront peut-être du mal à entendre ces mots. Il m’est difficile de parler. Mais avec ce que j’ai vécu à Be’eri, vous me le devez. »

Nous le leur devons. Je les écoute et je lis leurs mots, et je m’incline devant leur courage. Et je pense à l’étrange insistance de tant de personnes en ce moment, y compris des personnes soi-disant de gauche, à mesurer notre degré de solidarité, de douleur ou de rage en fonction de notre volonté de soutenir le feu que notre armée fait pleuvoir sur Gaza.

Que direz-vous à ce père endeuillé ? À ce survivant du massacre ? Manquent-ils eux aussi de solidarité ? D’où vient votre audace de déterminer ce qui se passe à l’intérieur de chacun de nos cœurs et de nos esprits brisés ?

Je vois les accusations portées contre ceux qui implorent la fin de ce carnage futile, de ce crime de guerre terrible et menaçant à Gaza, et je pense à la phrase prononcée par Ben Kfir, membre du Forum des familles endeuillées, qui est restée gravée dans ma tête il y a des années lorsqu’il a parlé de la futilité de la vengeance : "J’ai perdu ma fille, pas mon esprit".

Cet homme, qui a perdu la personne qui lui était la plus chère, et beaucoup d’autres qui ont maintenant rejoint le cercle du deuil, comprennent ce que tant de gens refusent encore de comprendre aujourd’hui : la voie qui nous est proposée, celle de plus de sang et de plus de "dissuasion", est exactement la voie qui nous a été proposée tant de fois auparavant et qui nous a conduits aux horreurs dont nous sommes témoins aujourd’hui.

Au-delà de l’immoralité de la justification des atrocités commises par Israël à Gaza, l’espoir que cette fois le massacre de masse aboutira à un résultat différent de celui de toutes les campagnes militaires précédentes - qui n’ont fait qu’aggraver le désespoir, la souffrance et la haine du côté palestinien - est une terrible illusion dont le prix sera à nouveau payé par les habitants du sud.

Ne dites pas qu’Israël le fait pour eux. Israël a abandonné le sud du pays ce qui a donné lieu à un crime colossal et Israël ne peut racheter son crime avec le sang des innocents de Gaza. Au lieu de se laisser aller à cette soif de vengeance, écoutons les familles des victimes.